Il n’était pas en service mais le dit lui-même « je suis policier 24 heure sur 24.
Le 21 octobre dernier, ce fonctionnaire de la police aux frontières voit son épouse rentrer à la maison en état de détresse. Alors qu’elle promenait leur chien, ce dernier a aboyé sur des jeunes qui se sont emportés et ont menacé de tuer le chien, et de « revenir armés ». Alors que dehors, les jeunes en question s’éloignent, le fonctionnaire en repos se saisit d’une arme de défense qu’il a achetée à titre personnel, un Gomm Cogne GC 54, une arme à balle de caoutchouc à double canon. Il la glisse dans son dos à la ceinture de son short et, torse nu, sort dans la rue et interpelle les jeunes qui se trouvent alors à une cinquantaine de mètres. Un des garçons revient alors vers le policier. Dès lors les versions divergent. Le jeune affirme avoir tendu la main au fonctionnaire « pour dire bonjour ». Le policier lui décrit la scène en mimant le jeune, poing levé et menaçant. Il dit donc avoir dû se défendre une première fois en assénant un coup de poing sur le dessus du crâne du jeune homme. Lequel affirme que le policier l’a frappé avec la crosse de son pistolet.
Puis son frère intervient, et la situation dégénère. Le ton monte. Là encore les versions diffèrent. Selon le policier qui comparaissait ce mardi, deux autres jeunes commencent à lui jeter des pierres. Le jeune avec lequel le ton avait commencé à baisser tente de lui voler son arme, et il décide de s’en saisir et d’ouvrir le feu. Une fois vers les jeunes qui le caillassent, une autre fois vers les deux plus proches qui selon lui, ramassent des pierres pour le caillasser à leur tour.
Les jeunes, eux, affirment que le policier avait déjà son arme à la main et qu’il a tiré avant que les pierres ne commencent à voler. Toujours est-il qu’à ce moment, le groupe de garçons prend la fuite et le père de famille retrouve femme et enfants à l’intérieur, avant d’aller rendre compte de l’altercation à la gendarmerie. C’est son témoignage qui, ironiquement, amènera à l’audition des jeunes qui ont alors porté plainte.
A la barre, le policier plaide la légitime défense. Estime son action proportionnée, immédiate. Pour le parquet, la menace était loin quand il a décidé de sortir son arme. « Il a fait usage de son arme à un moment où il n’était pas directement menacé » estime le substitut Rieu pour qui « la légitime défense ne tient pas ». Pour lui « c’est lui-même qui crée l’incident ». Le procureur enfonce le clou. « Ce n’était pas du tout un comportement adapté quand on est un professionnel formé à la désescalade ». Il réclame 1 an de prison avec sursis et 1000€ d’amende. Une peine qu’il veut voir inscrite au casier du prévenu, au risque de mettre un terme à 18 ans de carrière dans la police.
« Pour défendre sa famille »
Un « acharnement » selon Erick Hesler, avocat de la défense qui estime que son client fait l’objet d’un « traitement de défaveur car il est policier ». Pour lui, son client « est intervenu pour défendre sa famille ». « Quand on voit les affaires de policiers et gendarmes mutilés par des jets de pierre, je suis choqué qu’on ne cherche pas à identifier les auteurs » poursuit-il, rappelant que les jeunes, eux, ne sont pas poursuivis.
Le tribunal a finalement été sensible aux arguments du procureur et a rejeté la légitime défense. « Quand vous sortez pour interpeller un homme qui est à 50m, il n’y a pas de légitime défense, même s’il y en a ensuite (lors des jets de pierre) estime le juge. Il aurait mieux valu ne pas sortir avec une arme, vous n’aviez qu’à appeler la police » conclut-il.
Il prononce une peine de 2 mois de prison avec sursis, 500€ d’amende et dispense le condamné d’inscription à son casier judiciaire, afin qu’il puisse continuer à exercer.
Parquet et défense ont 10 jours pour faire appel. Comme tout justiciable, le policier condamné demeure présumé innocent jusqu’à épuisement des recours possibles.
Y.D.