Torélance zéro. C’est clairement le message qu’ont voulu faire passer le parquet de Mamoudzou en poursuivant ces braconniers en comparution immédiate, et les juges en les envoyant à Majicavo à l’issue de l’audience.
Vendredi soir, les policiers de la brigade de l’environnement devaient patrouiller dans le nord de l’île, mais ils ont reçu une information selon laquelle des villageois, dans le secteur de Bandrélé, retournaient des tortues sur la plage pour que des braconniers puissent venir les récupérer ensuite. Ils se sont donc transportés vers le sud, avec succès. Avec leur équipement de vision nocturne, les fonctionnaires ont pu surprendre un groupe de cinq individus qui chargeaient « quelque-chose d’encombrant » dans un Dacia Duster. Dès que la voiture a redémarré, ils l’ont contrôlée, et ont procédé à l’arrestation des cinq complices.
Dans le coffre, une tortue de 150kg était entravée et blessée pour avoir été traînée sur le dos. « En voyant les photos, c’est comme si on lui avait limé la carapace jusqu’au sang, s’étrangle la procureure. Cela a dû être un supplice pour cet animal d’être traîné ainsi. »
Les suspect présentent des profils variés. L’un d’eux est déclaré inapte à la garde à vue. Il fait l’objet d’une enquête à part. Deux ont une trentaine d’années et affirment avoir fait ça pour la première fois. L’un d’eux est d’ailleurs bien installé. Cadre dans la grande distribution, il venait de réussir le concours de surveillant pénitentiaire.
Les deux derniers font figure de meneurs, voire de foundis du braconnage. Ils auraient conseillé les deux jeunes sur le matériel à emmener, et sur la façon d’attacher la tortue. L’un a déjà été condamné en 2010 pour les mêmes faits à 4 mois de prison ferme. L’autre s’est vanté aux gendarmes d’avoir « découpé toutes les tortues de Mohéli » avant de venir à Mayotte. Difficile pour le tribunal de les croire quand ils affirment avoir trouvé la tortue « par accident » et s’être trouvés sur cette plage à 1h du matin « par hasard ».
« La façon dont ça s’est passé laisse penser que ce sont des habitués. Ils ont un mode opératoire bien ciblé, ce sont des professionnels, quoi qu’ils en disent » estime la procureure Emilie Guégan. Elle réclame de 6 mois à un an ferme contre les quatre prévenus. «
« Éduquer c’est la seule solution »
« C’est un dossier qui en terme d’ordre public est important. Qu’est ce qui restera à Mayotte pour se développer quand il n’y aura plus les tortues, les mammifères marins, les dugongs ? Ce sont des infractions qui engagent l’avenir de Mayotte. La décision du tribunal devra être significative. »
Pour la défense du candidat au poste de gardien de prison, Me Andjilani a souhaité ne pas voir « tuer son client » et demande la clémence. Me Mattoir défendait les trois autres. « La valeur pédagogique est importante, il ne s’agit pas que d’envoyer les gens en prison. Il faut réparer, se mobiliser avec tous les citoyens, et ces gens-là sont des citoyens, qu’est ce que la virilité a à voir avec ça ? C’est l’éducation qui fait défaut. Il faut éduquer c’est la seule solution, l’emprisonnement, c’est la violence. »
Un argumentaire qui n’a pas suffi à convaincre des juges décidés à faire un exemple dissuasif.
Les deux « bacocos » désignés comme meneurs par le parquet sont condamnés à 12 mois de prison ferme, et conduits à Majicavo menottes aux poignets. Les deux autres écopent de 6 mois ferme aménageables. La peine sera bien inscrite au casier judiciaire de chacun, interdisant, a priori, au futur maton, de trouver un emploi dans l’administration pénitentiaire malgré sa réussite au concours. En outre, étant propriétaire du Duster dans lequel a été trouvée la tortue, il écope de 1000€ d’amende, et le tribunal a prononcé la confiscation de la voiture.
Une enquête se poursuit pour identifier ceux qui, à travers l’île, retournent les tortues pour les livrer aux braconniers, « un mode opératoire élaboré pour ne pas laisser de traces » selon les enquêteurs.
Y.D.