« Permis pas cher, 20€ de l’heure ». L’offre était alléchante. Affichée clairement sur le flanc et l’arrière de la Citroën C3, cette publicité a vite attiré quelques clients à ce policier municipal qui avait décidé d’arrondir les fins de mois avec une activité de location de véhicule à double pédale. Une activité légale initiée par Emmanuel Macron pour réduire le coût du permis. Le principe est simple, quoique méconnu : une voiture d’auto-école est mise à disposition d’un candidat au permis, qui la loue à l’heure et la conduit accompagné d’un chauffeur expérimenté. Le candidat doit avoir effectué les 20 heures légales en auto école auparavant, et l’accompagnant doit avoir au moins 5 ans de permis. Ce dernier prend la responsabilité de ce qui se passe sur la route. Au final, une heure de conduite moitié moins chère qu’avec un professionnel.
Le policier municipal qui avait créé et déclaré cette activité était donc a priori dans les clous, jusqu’à un contrôle CODAF (répression des fraudes) mené par la Dieccte en novembre dernier. Dans la voiture, un candidat au permis de conduire, et à ses côtés, un accompagnant qui se présente comme « moniteur » sans être en mesure de fournir une carte professionnelle. Dans son rapport, la répression des fraudes écrit que le véhicule sérigraphié « induisait le consommateur en erreur en lui faisant croire à une formation à la conduite alors qu’il ne s’agissait que d’une location de véhicule ». Une accusation que dément formellement le propriétaire-loueur à la barre. « J’ai suivi l’exemple d’une autre boîte qui fait pareil en France » se défend-il. Quant au « moniteur », « il ne travaillait pas, il ne faisait qu’accompagner les élèves, je ne l’ai pas embauché, je lui ai demandé un service ».
Mais en cas de location de véhicule, ce n’est en aucun cas au loueur de fournir un accompagnant. « Un service c’est un travail », lui rétorque le président du tribunal agacé par cette once de mauvaise foi. « Si c’est vous qui lui demandez d’accompagner, ça veut dire qu’il vous sacrifie son temps. Travailler, c’est vendre son temps à un employeur ».
« Une auto-école de contrebande »
Le prévenu l’assure pourtant, l’homme assis côté passager n’était pas rémunéré. Une déclaration pourtant contraire à sa déposition initiale devant les policiers où avait alors affirmé payer son ami entre 50 et 60€ par semaine. Ce qui énerve encore davantage le magistrat. « Vous êtes en train d’affirmer que c’est un faux, que les policiers ont menti ? Vous êtes sûr que vous êtes policier municipal ? »
D’autant que l’accompagnant lui-même avait reconnu être rétribué. « Je rend service, et quand j’ai besoin d’argent, je lui demande de me dépanner en échange du service rendu » déclarait-il en audition.
Pour le procureur, aucun doute sur le fait qu’il s’agissait bien d’une « auto-école de contrebande ». « Ce n’était pas juste un véhicule loué. Il y avait un moniteur, et ça, c’est rigoureusement interdit ». Le ministère public demande la confiscation du véhicule, du permis mais aussi l’interdiction d’exercer une fonction publique, signant la fin de carrière du policier. Une option trop sévère pour le tribunal qui a préféré frapper au porte-monnaie. La C3 est saisie, sans autre peine. En revanche, pour avoir été surpris à la conduire alors qu’elle était immobilisée pendant l’enquête, le propriétaire écope de 3000€ d’amende dont 2200 avec sursis.
Y.D.
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