Depuis des années, l’association Nariké M’sada se bat en faveur du dépistage du VIH Sida. Un pilotage à vue, sans direction assistée et sans rétroviseur. C’est désormais réparé : depuis 2 ans, Mayotte a intégré les statistiques nationales, et peu à peu, les réseaux de surveillance.
2016, c’est aussi l’année de la mise en place ici des Tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), faisant passer une vitesse supérieure au dépistage, puisqu’on obtient une réponse en moins d’une minute. Malgré tout, l’essentiel du travail se fait toujours auprès des femmes, lors des tests pratiqués lors des grossesses. Elles représentent donc logiquement la majorité des patients atteints.
En 2016, à Mayotte, 2,5 tests se sont révélés positifs pour 1000 habitants (2,5 ‰). L’infirmier Ismaël Barbet, spécialisé dans le suivi VIH au Centre Hospitalier de Mayotte, évoquait 256 personnes dans la file active, c’est à dire ayant eu recours aux soins au moins une fois dans l’année écoulée dans son service. Elles ont 39 ans en moyenne, et ce sont à 60% des femmes. Il faut donc insister sur l’incitation au dépistage pour les hommes : « Les populations exposées sont les homosexuels masculins, les migrants et les publics précaires », indiquait le docteur Anne Barbail, Médecin inspecteur à l’ARS Mayotte.
« On peut vivre avec le VIH en 2018 »
Il y a donc désormais plusieurs biais pour se faire dépister : les sérologies classiques nominatives ou anonymes, au choix, le TROD, qui coûte 5 euros, ou les autotests, 35 à 40 euros.
Les personnes qui se présentent au CHM sont orientées de différentes manière : par la maternité, par le médecin du travail, par le RSMA ou procèdent à une démarche individuelle. Pour éviter toute stigmatisation, le service est situé dans un lieu de brassage de différents types de consultations. « Mais qui dit qu’il y a tabou ou stigmatisation ? Une étude ? », interpellait le docteur Alassane Sall, directeur du réseau de dépistage du cancer Redeca Mayotte. Ismaël Barbet en profitait pour rappeler les différentes étapes de la prise en charge du patient, notamment, psychologique, du dépistage au suivi, en passant par l’annonce et éducation thérapeutique, « nous rappelons aux patients qu’on peut vivre avec le VIH en 2018. »
Moncef Mouhoudoir, fondateur de Nariké M’sada, évoquait les douleurs que peut engendrer cette stigmatisation, « comme cet homme qui quitte sa compagne qui vient de lui annoncer sa séropositivité », où « les mentions de sérologie sur les petits carnets bleus de santé et qui vous exclut d’un poste dans l’administration. »
La syphilis sévit à La Réunion
Pour l’Hépatite B, si les recommandations de dépistage ont été étendues depuis 2011 à la population masculine de 18 à 60 ans et aux femmes enceintes sur le plan national, la consigne touche particulièrement Mayotte qui s’avère être la région la plus concernée avec 344 tests positifs pour 100.000 habitants (certains cas pourraient faire l’objet d’un double comptage, nuançaient les spécialistes), contre 183 en Guyane, et 45 sur la France entière. Des données qui inquiétait le directeur du laboratoire départemental de Mayotte : « Comment pouvons-nous intensifier l’information sur notre territoire particulièrement à risque en raison de nos habitudes culturelles dont la polygamie ? » Et la précocité des relations sexuelles.
Depuis 2012, les nouveau-nés sont systématiquement vaccinés en maternité. Une mesure qu’il faudrait étendre aux adultes, « surtout au regard de la difficulté de couverture sociale de la population à Mayotte. »
Autre Maladie sexuellement transmissible à refaire son apparition chez nos voisins réunionnais, la syphilis, le nombre de cas y a été multiplié par 4 en 3 ans.
L’objectif est donc de continuer à proposer une offre diversifiée de dépistage, « avec un effort particulier sur les TROD et le respect de l’anonymat », rappelait le docteur Barbail, et à lancer des campagnes d’information pour y inciter. Il est particulièrement recommandé de regrouper plusieurs tests, comme le TROD VIH et syphilis, et d’intégrer Mayotte dans l’ensemble des réseaux de surveillance, IST Resist, Renago, Renachla.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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