Plan pauvreté : un discours qui colle à la réalité… en attente des concrétisations

Emmanuel Macron avait lui-même donné les orientations de son « plan pauvreté », en accusant les aides sociales de coûter « un pognon de dingue » (715 milliards d’euros en 2016), on savait donc que l’orientation serait à la réinsertion dans l’emploi plutôt qu’à l’assistanat. Il a donc surpris son monde avec le Revenu Universel d’Activité. Deux heures de présentation du plan pauvreté avec des messages forts, mais déjà quelques critiques

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Multiplication des places en crèche

Emmanuel Macron a surpris dans sa présentation du Plan de lutte contre la pauvreté au musée de l’Homme ce jeudi, en proposant qu’un Revenu Universel d’Activité soit mis en place dont les modalités sont à venir.

Tous les acteurs saluent le ton du discours présidentiel qui a « évolué »,  expliquait sur un plateau TV Laurent Seux, Directeur général du Secours Catholique. Un effet « Macron » qui ressort de chacune de ses interventions, lié à l’empathie qu’il développe pour les sujets abordés, « on apprend des pauvres, ils ont la solution, et ça, je ne le savais pas il y a 15 mois ». Mais au delà ?  Laurent Seux a salué l’évolution de la vision, « le président a dit que la lutte contre la pauvreté est au cœur du contrat social », qu’il lie à l’intervention des associations qui œuvrent auprès des plus démunis, puisque lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir il y a 15 mois, la lutte contre la pauvreté n’était en effet pas au programme des réformes.

Qu’est ce qui change alors avec ce méga plan pauvreté doté 8 milliards d’euros qui tombe dans un pays où plus de deux personnes sur dix n’ont pas d’alimentation saine leur permettant de faire trois repas par jour, selon les chiffres du Secours Populaire ? Traduit à Mayotte par les 84% de population vivant sous le seuil de pauvreté.
Payer la cantine des enfants représente également un obstacle financier pour 19% des personnes. A la suite de cette publication, le chef de l’Etat avait passé 5 heures lundi dans un centre d’ATD Quart-Monde.

50 millions pour les ASE: le montant alloué en 2017 à Mayotte

Emmanuel Macron lors de l’annonce de son Plan de lutte contre la pauvreté

Outre le Revenu Universel d’Activité, on y trouve l’augmentation de la prime d’activité et les mesures de lutte contre le non recours aux prestations sociales, le projet de création d’un véritable service public de l’insertion permettant un accompagnement renforcé vers l’insertion et l’emploi, notamment la poursuite de l’expérimentation « Territoires zéro chômage de longue durée », et la mise en place d’un guichet unique d’accès pour les prestataires. Egalement un « parcours de formation garanti » jusque 18 ans et l’extension de la garantie Jeunes, limitée à 100.000 jeunes par an, et l’ouverture de 30.000 places de crèche d’ici 2022, et un meilleur accès à la cantine pour les enfants des familles les plus démunies, avec des repas à un euro.

L’aide sociale à l’enfance (ASE) recevra 50 millions d’euros de plus au total « pour mieux accompagner les jeunes », un montant qui peut paraître dérisoire, c’est ce qui avait été alloué à Mayotte pour le seul rattrapage depuis 2009. Un «fonds d’innovation sociale» est doté de 100 millions d’euros pour revoir les formations (CAP Petite enfance notamment) et «diffuser de nouvelles méthodes d’apprentissage».

Toutes les mesures ne sont pas chiffrées, c’est un des reproches mentionnés par le Secours Catholique dans son communiqué de presse. « Le financement de la stratégie nous interroge : il se fait au prix de la désindexation des pensions de retraite, des prestations familiales et des APL (par rapport à l’inflation), de la réduction drastique des contrats aidés et doit être mis en perspective des arbitrages du gouvernement en faveur des réformes fiscales. »

« Un bon signal »

Véronique Fayet s’interroge sur la prise en charge des mineurs isolés (Photo : JDM)

Si pour la présidente du Secours Catholique, Véronique Fayet, dont l’interview est publiée sur leur site, le plan Pauvreté est un bon signal, elle est critique sur le maintien du niveau bas du RSA, « il ne permet que de survivre. Quand on est en situation de survie on ne peut pas mobiliser son énergie vers la formation et l’emploi ». Rappelons qu’à Mayotte, il est à la moitié du niveau national. Egalement sur l’accès au logement, « très difficile pour les personnes qui vivent des minimas sociaux mais aussi pour ceux qui ont des petits salaires, en raison du coût du logement et de l’insuffisance de logements très sociaux ».

Le quotidien des mineurs isolés ne semble pas plus enviable en métropole qu’à Mayotte, « rien n’est prévu pour assurer la prise en charge des milliers de mineurs isolés à la rue », en demandant que leur soit garanti « l’accès à une scolarité régulière et des conditions de vie sereines et dignes ».

En conclusion, le Secours Catholique apprécie « la vision à long terme pour s’attaquer aux causes de la pauvreté et des inégalités de destin »,  mais « regrette le manque d’objectifs chiffrés en lien avec les objectifs de développement durable que la France a signés, et l’ancrage dans une politique environnementale ambitieuse. L’association poursuivra donc ses efforts pour que la lutte contre la pauvreté soit élargie et renforcée en ce sens. Elle s’impliquera dans la mise en œuvre de la stratégie au niveau national et sur les territoires et veillera à ce que les personnes en précarité y soient associées. »

« Ce n’est pas un plan charité, mais des mesures pour sortir de la pauvreté », « nous devons devenir un Etat providence contemporain », a jugé Emmanuel Macron. On espère donc un budget providence dédié à ce plan.

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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