Paradoxalement, la justice populaire à Madagascar est devenue dans le pays « le deuxième fait d’insécurité » selon un rapport de l’ONU rapporté dans le Quotidien de la Réunion. Entre juillet 2016 et août 2018, 108 cas ont été recensés, soit un cas par semaine en moyenne, faisant 152 morts et une soixantaine de blessés.
Le plus souvent, ces lynchages ciblent de supposés délinquants ou criminels, qui peuvent être des femmes ou des enfants. Mais des citoyens faisant figure d’autorité peuvent aussi en être victimes. Le Quotidien rapporte ainsi le cas, en 2017, de deux policiers lynchés à mort car soupçonnés de racket. En 2011 à l’inverse, ce sont des policiers qui ont, à Tulear, abattu un magistrat qui avait mis l’un d’eux en examen. En décembre dernier, des dizaines d’habitants s’étaient attaqués à une prison pour tenter d’y lyncher un meurtrier présumé. 120 détenus avaient profité du chaos pour s’évader.
Si le nombre de faits reste impressionnant et inquiétant, la gendarmerie assure que des actions de sensibilisation ont entraîné une baisse de ces actes illégaux.
Les actions de châtiments extrajudiciaires sont de deux natures différentes. Il y a des mouvements spontanés de la foule, comme en 2013 à Nosy-Be, où deux Français et un Malgache soupçonnés de pédophilie ont été brûlés vifs sur la plage. L’affaire avait fait grand bruit. Et il y a les Dina, tribunaux coutumiers, qui ont une certaine latitude pour juger des petits délits. Mais qui, parfois, appliquent sans réserve la loi du Talion et prononcent en toute illégalité des mises à mort.
« Homologuer » pour mieux contrôler
Outre un important travail de prévention, notamment en zone rurale pour entretenir, ou restaurer, la confiance en l’état de droit, le gouvernement envisage une autre solution. Selon le site NewsMada.com, la ministre de la justice Harimisa Noro Vololona a proposé « l’homologation des Dina pour qu’ils soient conformes ».
Il s’agirait en somme d’asseoir l’autorité des tribunaux coutumiers là où ils « fonctionnent » dans le respect des règles pénales nationales, tout en recadrant ceux qui « cautionnent le meurtre ». « Nous avons le devoir d’ôter toutes dispositions comprenant des homicides avant de les homologuer » a déclaré la ministre la semaine dernière.
A supposer que les tribunaux coutumiers se plient tous à ces règles, cette mesure ne réglera pas la question des lynchages spontanés, qui sont le fruit à la fois d’une absence de l’Etat dans les zones rurales, d’une perte de confiance en son autorité en raison de la corruption endémique et d’un sentiment d’impunité. Il faudra sans doute plus que de simples homologations pour que la justice malgache se réapproprie son propre territoire.
Y.D.