Notre discret sénateur laisse de plus en plus sa réserve au placard, et ne cache pas son plaisir à rencontrer les médias, « un bonheur de vous voir ! », mais sans flatterie aucune puisqu’une rigueur est attendue en retour. Mayotte 1ère en fait d’ailleurs les frais, « les commentateurs politiques invités par le service public audiovisuel lors du vote de mes amendements droit du sol, ne comprenaient rien au sujet. On a galvaudé le travail fait. »
C’est l’année Thani pourrait-on dire puisque si l’adaptation du droit du sol à Mayotte n’a pas donné naissance à une « loi Thani », mais à des amendements, ils sont estampillés de sa main, grâce à un travail de réseau et de lobbying très largement salué. Le premier ministre en a d’ailleurs remis une couche ce jeudi 28 septembre lors d’un débat face à Laurent Wauquiez, invoquant une décision de « modification du droit du sol à Mayotte étant donné la place prise par l’hôpital de Mayotte dans la région », au titre de la pression migratoire subie.
Une évolution impensable quelques années auparavant, en 2017 d’ailleurs ses propositions allant dans le sens d’une réforme du droit du sol n’avaient pas passé le cap du Conseil constitutionnel. Les deux modifications essentielles d’acquisition de la nationalité française ont donc été votées : pour les enfants qui seront nés à Mayotte de parents étrangers, la présence en situation régulière depuis plus de 3 mois d’un des parents est obligatoire, et pour ceux qui sont déjà nés sur le territoire, la période est de 5 ans de présence de manière régulière.
23 cas suspects de reconnaissance de paternité à Chirongui
Reste à mettre tout cela en application. C’est aussi pour cela que le sénateur a invité la presse, « je suis venu faire le service après vente. Ce n’est pas parce qu’une loi est votée que le travail est fini, au contraire il commence. Les Mahorais doivent s’approprier les lois. Mais si on continue avec de faux actes d’hébergement, des reconnaissances de paternité de complaisance ou le recours au travail illégal, la loi ne changera rien. » Parmi ses amendements, une durcissement de la législation en cas de fraude.
Le procureur de la République a envoyé une circulaire aux maires en suggérant aux officiers d’état civil de poser des questions-type. « En l’appliquant, la maire Roukia Lahadji explique avoir recueilli en quelques jours 23 cas suspects. » C’est dire l’importance du rôle des maires En venant à bout de ces pratiques et en appliquant les amendements d’adaptation à la lettre, on devrait assister à une diminution de moitié des naissances au CHM, en reprenant les dernières statistiques de l’INSEE.
Saisi par le col
Quant au blocage des administrations comme le service des étrangers de la préfecture, il souligne qu’il y a bien des reconduites, « même si ce n’est pas officiellement reconnu ». Et qu’un affichage ostentatoire risquerait de « rebloquer la machine ».
Même souci d’appropriation de la loi sur la décote sur les terrains sis en ZPG (Zone des 50 Pas géométriques), en bordure du littoral. Le sénateur est parvenu en février 2017 à faire accepter une décote du prix pouvant aller jusqu’à 95%, « Faouzia Kordjee m’avait littéralement saisi par le col pour me demander d’agir, j’ai dit que je ferai le job ». La part de décote se calcule au prorata du temps passé sur le terrain, et de la composition familiale, « mais les occupants de ces terrains doivent entamer les démarches d’acquisition des parcelles ».
Le statu quo « nous incite à radicaliser notre position »
Un service après-vente qu’initie aussi sa suppléante, Aminat Hariti, « dont la présence m’a permis d’engager mon 2ème mandat sous de meilleurs hospices », mais un travail qui demanderait « une administration entière » C’est aux maires de s’approprier les évolutions législatives qui facilitent la vie de leurs administrés, « la synergie avec eux est parfois difficiles, et pas seulement pour des raisons de politique politicienne, mais aussi parce qu’ils sont dépassés par leurs tâches quotidiennes ».
Sur ce sujet, et dans ce contexte de rattrapage de mise en place des politiques publiques empêchées par l’immigration, le sénateur LaRem veut souligner l’évolution dialectique, « cela fait du bien d’entendre de la bouche de ministres que ‘l’Etat n’a pas été à la hauteur’ ». Car selon lui, le risque est grand, « à force de repousser le problème et de le nier, on a fini par nous inciter à radicaliser notre position », explique celui qui a été à l’origine de la création de Tama, « parce qu’il s’agissait à l’époque de prendre en charge les mineurs en errance qui n’avait pas d’autres choix que de voler ou se prostituer. » Il met en garde sur le même risque au sujet de l’islam de Mayotte, « en harmonie avec les valeurs de la République. Il faut que cela soit rapidement reconnu officiellement ».
Entre chat et couleuvres
Autre point chaud dans son agenda, celui de l’évolution institutionnelle, dont on ne peut plus prononcer le terme de « toilettage institutionnel » sous peine de provoquer des malaises. Chat échaudé craignant l’eau froide des élus départementaux, Thani Mohamed vient de rendre une nouvelle copie sous forme de deux propositions de loi, « une simple et une organique », « conformément à ce qu’a demandé l’actuel président du conseil départemental », mais va demander quelques garanties. Il avait en effet présenté une proposition de loi sur la modification du mode de scrutin et le nombre de conseillers départementaux à la demande du président Daniel Zaïdani, qui avait été balayé d’un revers de main par l’exécutif actuel.
Des couleuvres, l’élu aura dû en avaler, mais il remet toujours l’ouvrage sur le métier, « je travaille pour nos enfants, ce sont eux les futurs élus qui mèneront le territoire ».
Le gouvernement ayant promis de réviser le mode de scrutin « avant la fin de l’année 2019 », le plus efficace est « d’intégrer un bout de ma proposition de lois dans leur texte ».
En conclusion, s’il estime que l’essentiel du travail du législateur a été fait en matière migratoire, il appelle une nouvelle fois, « à appliquer les textes existants. »
Lors de cette conférence de presse, il recevait la visite appuyée du conseil départemental Issa Issa Abdou, affichant ainsi au delà de leur entente, un appui, mutuel, entre les deux élus.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com