Deux « dispositifs de retenue autonome », les fameux murs en plexiglas, ont été disposés « sans surmobiliser les forces de sécurité qui ont mieux à faire ailleurs », explique Dominique Sorain devant les médias. Deux pelotons de gendarmes mobiles ont été engagés, pour une évacuation des mamies « dans le calme et sans violence ».
Plus de deux mois de totale fermeture, et un « mode dégradé » depuis mars, « une position qui n’était plus tenable, parce qu’elle plaçait des personnes dans des situations de vulnérabilité, des familles séparées, des salariés auparavant en situation régulière qui se trouvaient en voie de licenciement, et touchant des étrangers qui n’étaient pas forcément comoriens. » Les demandes d’asile doivent aussi être traitées, notamment pour fournir les dossiers à une mission de l’OFPRA présente sur le territoire, « et ce sont des étrangers qui ensuite ont vocation à quitter Mayotte ».
Il s’agissait aussi d’affaires de principe, « c’est à ma connaissance la première fois qu’un service de l’Etat est bloqué sur aussi longue période », et administrative, « nous sommes engagés dans 1.500 contentieux, soit le triple de d’habitude, que nous allons perdre comme c’est le cas pour 50 d’entre elles, avec des astreintes de 50 à 70 euros par jour. Nous avons également été interpellé par le Défenseur des droits et la Ligue des Droits de l’Homme » Mais encore, « c’est un non-sens, des personnes qui auraient vocation à être reconduites, ne l’étaient pas. » Il faut bien dire qu’aux revendications d’un « plus d’Etat » traduit par la Lutte contre l’Immigration Clandestine, correspondait un « moins d’Etat » avec cette situation.
Échec du dialogue
Petit moment de flottement sur la question d’une action tardive pour libérer un service public perturbé depuis plus de 6 mois, difficile à avaler pour un serviteur de l’Etat : « Depuis le mois d’août, avec les sous-préfets nous avons privilégié le dialogue jusqu’au bout avec les collectifs, j’y tenais fermement, mais ça n’a pas débouché. » Car il le re-re-dit : « Je comprends le mouvement de colère des Mahorais contre l’immigration clandestine qui est le facteur de déstabilisation le plus important du territoire de Mayotte. »
Les personnes aux abords du service des étrangers ce lundi matin se plaignaient d’arrivées toujours régulières de kwassas. Les cinq intercepteurs opérationnels ne sortent pas simultanément toutes les nuits, mais l’arrivée de moteurs pour la Makini de la PAF cette semaine va rajouter une unité maritime, « et les radars ont été modernisés ». Et la LIC terre continue.
Autre pilule qui a du mal à passer dans la population, les négociations stagnantes avec les Comores, « c’est le point d’achoppement principal des discussions que nous avons avec le collectif. Il y a des reconduites, mais pas d’accord global sur une reprise des expulsions et sur la lutte contre le trafic d’êtres humains. Mais nous restons confiants. » La position délicate du président comorien Azali de plus en plus contestée par une opposition qu’il tente de museler (une soixantaine de procédures engagée contre des opposants selon RFI), ne va pas contribuer à l’apaisement des tensions diplomatiques, le dirigeant les utilisant à des fins de légitimité politique auprès de son électorat.
« Pas de foule devant le service »
L’opération portes ouvertes au Service des étrangers, c’est pas pour demain, et, sans jalouser du néant l’insensibilité, ça ne le sera d’ailleurs sans doute plus jamais : « Il va ouvrir partiellement vraisemblablement jeudi, et sur rendez-vous, pour traiter les cas prioritaires, notamment les salariés en risque de licenciement faute de papiers à jour, les situations familiales tendues, dont une mère séparée de ses enfants, des médecins qui doivent passer des diplômes complémentaires en métropole. En tout cas, il n’a jamais été question de régularisation massive, et il ne le sera jamais, nous délivrons en grande majorité des titres pour des parents d’enfants français. Et nous poursuivrons la réouverture, uniquement sur convocations, il est hors de question que s’installe de nouveau durablement cette foule devant le service ».
Parallèlement, on sait que la lutte de démantèlement des filières continue, « nous avons saisi plus de 2 millions d’euros d’avoirs.
Des « milliers de dossiers » sont en attente et vont pouvoir être traités, et les murs de plexi devraient rester encore au moins demain pour la remise en route du service. Le préfet appelle les collectifs à la raison, « les décasages ne seraient pas tolérables, surtout avec les dispositifs qui se mettent en place contre l’habitat illégal, il suffit d’indiquer les terrain où il y a des problèmes », et reste est ouvert à la discussion avec eux, « le territoire a besoin de stabilité notamment pour créer des emplois. »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com