On connaît la vacuité de la politique culturelle à Mayotte. Le conseil départemental n’était pas présent, mais il devrait être représenté lors des tables rondes de ce vendredi à Chiconi. A Mayotte, pas de salle de spectacles, pas d’agenda culturel fourni, autrement que par des initiatives privées ou des associations.
La commune de Mamoudzou en convenait par la bouche de Sidi Nadjeyedine, adjoint au maire chargé de la politique de la Ville, « la volonté politique de développer de la culture n’en est qu’à son balbutiement », avec un service culturel détaché du service des sports à peine un an auparavant. Un début d’organisation est en cours avec le positionnement des 5 MJC sur des thématiques propres, « l’environnement pour celle de Vahibé, la lecture pour tous à Passamainty, les danses urbaines au Baobab, la musique à M’gombani et le spectacle vivant à Kawéni ». Le festival emblématique de ce que peut actuellement fournir de mieux la commune, c’est FESCUMA, le Festival culturel de Mamoudzou, géré en régie directe.
Sur le sujet de la professionnalisation des artistes, on apprenait que deux mahorais avaient déjà décroché un DUMI, un Diplôme Universitaire de Musicien, au Centre de Formation de Musiciens intervenants de Poitiers, Alpha Dine et Abou Chihabi. « Sa finalité est de permettre de mettre en place des pratiques artistiques dans n’importe quel lieu, les écoles, les maisons de retraite, les associations. Mais il faut déjà posséder des compétences musicales », explique Christophe Vuillemin, directeur du CFMI de Poitiers, présent à Mayotte pour cette semaine d’échanges.
Entre tradition et modernité, en Kanaky comme à Mayotte
Il a ainsi pu former plusieurs musiciens ultramarins, dont les problèmes communs de reconnaissance, de petits boulots à côté, de couverture sociale ont un impact sur la régularité de production des œuvres, et donc sur la pérennité de leur engagement professionnel.
Si ça a moyennement fonctionné sur certains territoires comme la Martinique, la Nouvelle Calédonie est citée en exemple, par la volonté d’une population kanake « qui revendique la reconnaissance de sa culture ». Le centre culturel Jean-Marie Tjibaou, conséquent, est sorti de terre, « grâce à un accompagnement financier fort du territoire ». Un diplôme local spécifique aux musiciens kanaks d’équivalent Bac pro a été mis sur pied. Une culture traditionnelle qui « s’inscrit dans la modernité ».
Une démarche menée depuis 15 ans, qui pourrait inspirer Mayotte, puisqu’un parallèle semble évident entre sa citation de Jean-Marie Tjibaou « toute tradition qui veut rester vivante passe par une recréation », et le constat de Christophe Vuillemin sur Mayotte, « ici, nous sommes en permanence entre traditions et modernité », avec « une grande diversité de pratiques », lançait-il en montrant les groupes de shigoma et de m’biwi qui s’étaient produits quelques instants auparavant.
Pas la peine de chercher bien loin pourquoi seulement deux musiciens ont bénéficié de cette formation à Mayotte, « c’est moi qui ai eu l’idée de remplir un dossier en 2008 », expliquera timidement Alpha Dine, ils n’ont donc bénéficié d’aucun accompagnement. « Nous avons tout financé nous-mêmes », complétait Abou Chihabi. A Christophe Vuillemin, qui incitait à envoyer d’autres talents se former, le conseil général de l’époque répondait, « nous n’avons pas d’argent pour ça ». En 2012, la collectivité faisait venir à grands renforts de finances Sexion d’Assaut, dont elle payait les déplacements vers Madagascar et Moroni…
Des spectacles montés grâce à l’économie sociale et solidaire
Un vide qu’analysait Florence Gendrier, directrice des Affaires Culturelles : « Pour ressentir la nécessité de former des musiciens intervenants, il faut avoir un projet culturel. Or, il n’y a ni conservatoire, ni autre culture. » Seule l’association Musique A Mayotte de Cécile Bruckert sauve les meubles, en employant ces musiciens de retour de formation.
Autre écueil, provoqué par une « position idéologique », rapporte toujours Florence Gendrier : « Etant donné que 80% des artistes sont employés par l’Education nationale, nous avons essayé de les professionnaliser par cette voie, sur l’enseignement de la musique. Mais avec 45% de contractuels, le vice-rectorat n’a pas assez d’enseignants titulaires ici. »
Une expérience collaborative de mutualisation des créations était rapportée, avec le collectif FAIR[E] : une dizaine d’artistes qui se sont alliés en vue de co-produire des spectacles de Hip hop, d’inspiration classique ou moderne, « une trentaine ont été accompagnés depuis 2012 », expliquent deux de ses directeurs, Céline Gallet et le chorégraphe Ousmane Sy. Et c’est la consécration, puisqu’ils viennent de décrocher la direction du Centre chorégraphique national de Rennes et Bretagne à compter du 1er janvier 2019.
La preuve qu’un Collectif culturel peut déboucher sur de grandes choses… C’est tout le bien qu’on peut souhaiter aux Arts Confondus qui proposent ce vendredi une programmation riche en débats et tables rondes à la Bibliothèque de Chiconi. Juste avant le top départ du festival Milatsika. (Arts confondus Echanges et Tables rondes)
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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