Inspiré des « Cadets de la République » de la Police, c’est un dispositif voulu par le président de la République pour lutter contre l’errance des jeunes, rappelait le préfet Dominique Sorain, qui a eu l’occasion de le décliner lorsqu’il était directeur de cabinet de la ministre des outre-mer Annick Girardin : « Il y a peu de solutions pour les jeunes de 16-18 ans en difficulté, celle-ci en est une puisque vous recevez une formation à la citoyenneté qui vous permettra d’être utile à la société mahoraise. » A l’issue des 10 mois de formation sous le haut patronage de la gendarmerie, ces jeunes pourront tenter d’intégrer ce corps, entrer au Régiment du Service Militaire Adapté (RSMA), encore être actifs au sein d’associations, ou poursuivre une autre formation.
Mais attention, pas question de quitter les bancs de l’école que certains avaient perdu de vue, pour des raisons diverses, puisqu’ils sont désormais tous scolarisés en seconde dans les établissements de l’île. Ils sont 17 pour cette première promotion, 9 filles et 8 garçons, sur les 20 inscrits au départ, trois d’entre eux ayant été pris en flagrant délit de consommation de drogue, le colonel de gendarmerie Philippe Leclercq a prononcé leur exclusion immédiate, et en profitait pour faire passer un message à l’endroit des jeunes : « Nous nous engageons parce que vous avez mérité notre confiance, en faisant le choix de refuser les plaisirs faciles, qui détruisent la santé et mènent tout droit vers la délinquance ».
Un air de SMA
Il faut espérer que trois autres pourront prendre leur place, pour un accompagnement hors norme, défini en trois axes : la lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage de nouvelles technologie, l’enseignement de ce que signifie l’appartenance à une nation et la découverte de la gendarmerie et de ses différents métiers. Des notions qui sont distillées au cours de 10 mois, jusqu’en juin, incluant une journée par mois de réalisation d’un projet citoyen, et deux semaines de cohésion, en hébergement à l’internat d’excellence de Tsararano pendant les vacances scolaires.
Le dispositif est porté par une association présidée par le lieutenant Ahamada Hambaly, officier adjoint au commandement de la gendarmerie de Mayotte.
Réserviste opérationnel, lorsqu’il n’est pas chargé de mission de l’interco de Petite Terre, Adrien Michon, revient sur la semaine de cours dispensés par plusieurs intervenants: « Nous avons accueilli des jeunes dont la plupart étaient en situation d’oisiveté, et on les retrouve investis et fiers d’eux ». Au menu, éducation civique, l’Histoire de Mayotte dans la France, remise à niveau en français, mais aussi, « l’organisation administrative de la France, sur le déroulement d’une élection », des notions de justice, « la différence entre le civil et le pénal, les différentes juridictions », et sans oublier une bonne dose de sport et « les règles de vie en société »… Un air de SMA qui est partenaire du dispositif comme soutien logistique et médical.
Ils seront suivi pendant un an, « avec obligation d’une scolarisation régulière », et doivent mener à bien le projet citoyen qu’ils se sont donné, « l’accompagnement des personnes âgées dans une optique de lien intergénérationnel ».
« Je déteste tout ce qui est hors-la-loi ! »
Stella, c’est un peu l’élève modèle, « c’est moi qui réveillais les autres pendant le stage », et d’ailleurs ses encadrants ne tarissent pas d’éloges. Souriante, elle se tient droite, presque au garde-à-vous, complètement imprégnée de ce virage que vient de prendre sa vie : « J’ai voulu suivre cette formation parce que, même si j’avais des difficultés en seconde, j’aime rendre service. Ça m’a permis de prendre confiance en moi, et quand quelqu’un avait un problème, on cherchait tous ensemble la solution. »
Scolarisé en seconde Bac Pro à Verdun en métropole l’année dernière, Farid trouve porte close lors de son retour à Mayotte, « il n’y avait plus de place au lycée de Kahani », déscolarisé donc. C’est le vice-rectorat qui lui propose, comme aux autres, cette formation, « j’étais ravi car je déteste tout ce qui est hors-la-loi ! ». Sa maman à côté sourit. Comme les autres parents, elle a assisté à tous les entretiens, ils sont remerciés par le colonel Philippe Leclercq : « Nous ne voulons pas nous substituer à ce que vous n’auriez pas fait, mais il s’agit d’un complément de ce que vous avez déjà fait pour leur éducation ». Farid est scolarisé en seconde générale à Sada où il habite.
Un accompagnement notamment financé par le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance, et qui fait le pont entre la réalité des jeunes et celles des valeurs de la République. Elle mériterait sans doute d’être reproduite, « pour cela, il faudrait d’autres structures hébergeantes, d’autres internats », glisse Adrien Michon, mais aussi multiplier les réserves civiles ou les Garanties jeunes.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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