« Ampa président ! » Le slogan désormais inscrit sur de nombreux tee-shirts portés par des membres du Collectif des Citoyens était à l’origine une boutade. Il est devenu un cri de ralliement.
Le slogan est né quand Ampa, un manifestant présent à chaque rassemblement du collectif depuis les premières manifestations pour l’eau dans le sud, a été interpellé pour des violences présumées sur personne dépositaire de l’autorité publique.
Ce lundi, le jeune homme, déficient intellectuel, était convoqué devant la justice pour un rappel à la loi relatif à ces accusations de violences. Une quarantaine de manifestants étaient présents à 8h pour le soutenir au tribunal. « On est venus soutenir Ampa, explique l’un d’eux, il est accusé de violences sur agents de l’autorité publique, mais c’est lui qui a été victime de violences », assure le militant.
L’avocat Delamour Maba Dali était lui venu défendre le jeune homme. « La procédure est irrégulière, la loi prévoit la convocation de la tutelle de la personne protégée, or son tuteur n’a pas été contacté, pas plus que pendant sa garde à vue ». Estimant que « la procédure a été violée », le juriste a demandé au procureur d’abandonner le rappel à la loi, une procédure alternative aux poursuites décidée précisément en raison de l’état mental de l’intéressé.
Du côté du parquet, on s’interroge sur cette mobilisation. « On est surpris de voir arriver un avocat remonté, c’est extrêmement rare pour une procédure qui est d’abord pédagogique, explique Camille Miansoni, le procureur de Mayotte. On avait convenu de faire un rappel à la loi, pour lui dire qu’il y a des choses à ne pas faire, et qu’il se mettait en danger lui-même. C’est très bien de voir qu’il y a une telle solidarité sur ce territoire, mais on est surpris (par la mobilisation), le sentiment qu’on a, c’est que tout est prétexte à en faire une tribune ».
Selon le procureur, « la loi exige que le tuteur soit avisé quand il y a des poursuites, là ce n’est pas le cas, c’est pédagogique ».
Toutefois le parquet a entendu les arguments de l’avocat et décidait l’abandon de cette procédure de rappel à la loi. Au risque de déboucher sur une autre échelle judiciaire. « J’ai demandé au délégué du procureur de ne pas faire ce rappel à la loi, dans la mesure où il n’est pas accepté. Je vais donc réétudier ce dossier, voir ce qu’on en fait et aviser le tuteur. »
Vers une procédure plus coercitive ?
Les faits concernent des tensions survenues il y a quelques semaines devant le centre de consultations de Jacaranda. Une vidéo présentée par le Collectif comme montrant que « les faits ne tiennent pas » montrent le dénommé Ampa ceinturé par un agent de police qui le tire en arrière pour le maîtriser, preuve selon ses soutiens qu’il a été violenté. Mais la première seconde de vidéo montre l’interpellé le bras autour du cou d’un policier, ce qui accréditerait la thèse du parquet de « violences, toutes proportions gardées ». Une affaire qui montre une fois de plus qu’une vidéo, selon son angle de prise de vue et comment elle est coupée, ne montre rien de moins que ce qu’on veut lui faire dire.
Concernant Ampa, les suites de cette affaire seront connues dans quelques jours ou semaines, le refus d’un rappel à la loi risquant de lui valoir des poursuites pénales. Selon son avocat, il est déjà convoqué en justice en décembre pour un autre dossier, dans lequel il est accusé d’avoir jeté du piment sur des gendarmes.
Suite à l’abandon de la procédure, le Collectif a manifesté sa joie en bas du tribunal avant d’improviser un cortège qui a ralenti le trafic jusqu’à la place Mariage.
Y.D.