"Le SIDA existe bel et bien à Mayotte"

A l'occasion de la journée internationale de lutte contre le Sida, un bilan fait apparaître Mayotte dans une position alarmante. Nous sommes le département qui a la prévalence la plus élevée de France après la région parisienne. Ce, malgré un dépistage encore balbutiant.

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Seul le préservatif garantit une protection optimale contre les infections sexuellement transmissibles comme le VIH

Avec 30 nouveaux cas dépistés chaque année, Mayotte est, au regard de sa population, le territoire qui a la plus forte prévalence de France, hors région parisienne, devançant la Guyane. « Les chiffres des autorités locales de santé font état d’une découverte depuis ces six dernières années d’en moyenne 30 nouveaux cas par an. (…) Les femmes enceintes représentent 62% des personnes infectées à Mayotte » s’alarme la présidente de l’association Narike M’Sada, Amida Zily. « La population n’a pas le réflexe du dépistage, poursuit-elle. Si les femmes enceintes sont majoritaires, c’est parce qu’elles se voient systématiquement proposer le dépistage. » Autrement dit, les chiffres ne sont que la partie émergée d’un l’iceberg en face duquel Mayotte fait figure de Titanic.

Amida Zily, présidente de Narike M’Sada

« Nous investissons des sommes énormes dans les Manzarakas sans nous soucier de l’état de santé du couple » poursuit la présidente soucieuse de marquer les esprits.
Ce vendredi matin, dans les locaux de l’association à Cavani, toutes les communes de l’île étaient invitées à signer une convention dans laquelle elles s’engagent sur un objectif fort, celui des « trois 90 » d’ici 2030. L’enjeu, c’est que d’ici-là, 90% des personnes séropositives connaissent leur statut sérologique, que 90 de ces personnes reçoivent un traitement approprié et que 90% des personnes traitées atteignent une charge virale indétectable.
« C’est une déclaration librement inspirée de celle de Paris, note Moncef Mouhoudhoire, directeur de Narike M’Sada. Ces 90% sont importants car ils assurent qu’il n’y ait plus de contamination, c’est le point de départ pour freiner l’épidémie ».
Autre enjeu de cet engagement des maires de l’île, les moyens. « On ne peut pas faire de prévention sans moyens, et le budget est entre les mains des élus. De plus, tous les CCAS ne sont pas actifs à Mayotte alors que la prévention fait partie des choses qui peuvent être portées par les CCAS. Il y a aussi un gros problème d’accès au préservatif. Les maires ont toute latitude pour en favoriser l’accès. On peut par exemple utiliser les doukas car il y en a partout. Contrairement aux pharmacies qui ne sont que 20 sur toute l’île. »
Un enjeu primordial car « le préservatif est l’outil de base de la prévention. Pourtant à Mayotte il n’est pas garanti » déplore Moncef Mouhoudhoire. Son souhait à travers cette signature est « d’impulser une dynamique, car sans les élus de proximité, on ne peut pas aller plus loin ».

Moncef Mouhoudhoire à gauche, et Saïd Omar Oili au micro

« Il ne faut surtout pas baisser la garde » acquiesce le maire de Mamoudzou Mohamed Majani qui note que « de véritables efforts ont été faits à Mayotte en matière de prévention et de prise en charge ».
Issa Issa Abdou, 4e vice-président du Département en charge des questions de santé estime que « La PMI (protection maternelle et infantile) a un rôle important à jouer (…) cette politique de proximité sera je l’espère la martingale qui permettra de venir à bout » du VIH à Mayotte.
Saïd Omar Oili, représentant sa commune de Labattoir ainsi que l’association des maires rappelle que le SIDA, c’est 7000 nouveaux cas par an dans le monde « ça veut dire que c’est la partie émergée de l’iceberg, il y en a bien plus. En proportion, poursuit-il, c’est l’Île de France en premier, suivie de Mayotte puis la Guyane. Il faut être conscients qu’on a une population qui risque de disparaître ». Une réalité dure à entendre. « La réalité à Mayotte est un problème poursuit « S2O ». Au début ceux qui ont essayé d’alerter ont été rejetés, c’était eux les pestiférés. Mais nous, les maires, on sera toujours avec vous » conclut-il.
Des positions unanimes et consensuelles qui se sont succédé jusqu’à celle de Mansour Kamardine qui a ramené ce sujet de santé publique à la question migratoire. « Nous avons à travers nos frontières des gens qui viennent des Grands Lacs, il faut qu’on surveille et ne pas laisser les gens venir. Si on est dans cette situation, c’est qu’on a laissé venir des gens à haut risque ».
Certes les mouvements de population sont un enjeu que soulignait la présidente de l’association qui notait que  » les Français de Mayotte voyagent beaucoup et reviennent, que
d’autres personnes vont et viennent aussi à Mayotte. Les flux migratoires sont donc
importants. »
Mais le discours du député LR, en ciblant une population pourtant minoritaire, masque une autre réalité : celle d’un tourisme sexuel dans les îles voisines qui n’est qu’un secret de polichinelle, et d’une prostitution à peine voilée à Mayotte même. Nourrie par une pauvreté galopante. Celle de pratiques à risque chez des jeunes mal informés. Le tout sans accès au seul outil qui permettrait de ne pas propager le virus d’un partenaire à l’autre, le préservatif.
Pour rappel l’association Narike M’Sada met à disposition des kits de dépistage dans ses locaux de Cavani. Un dépistage vital, puisqu’il permet non seulement de réduire le risque de contaminer d’autres personnes, mais aussi de gagner de précieuses années de vie.
Y.D.

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