Alors que le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) indique que l’activité sismique de ces quinze derniers jours a été « active et légèrement plus forte que la quinzaine précédente avec 62 séismes de magnitude supérieure à 3.5, soit en moyenne 4 par jour », situés principalement vers 35 à 40 km à l’Est de Mamoudzou, « ce qui correspond à la zone la plus à l’ouest de l’essaim », un chercheur du CNRS, Pierre Briole, spécialisé sur la modélisation des zones sismiques et de volcan, a émis une note datée du 12 novembre 2018 mayotte_note_deformation_GPS_20181112a, sur « la crise tellurique en cours à Mayotte ». Elle contribue à privilégier l’hypothèse développée par le National Geographic d’une origine volcanique de l’essaim de séismes en apportant des précisions supplémentaires.
Le scientifique rappelle l’enregistrement des mouvements d’ensemble des stations GPS disponibles sur Mayotte « de plus de 60 mm vers l’est et plus de 30 mm vers le bas », c’est à dire que l’île a « glissé » de 6cm vers l’Est, et s’est enfoncée de 3 cm. Des observations qui correspondent aux modèles émettant l’hypothèse de « vidage d’un réservoir magmatique », et non à ceux basés sur un glissement sur une faille.
S’agit-il du réveil d’un ancien volcan ?
Cette hypothèse volcanique estime que la chambre magmatique en cours de vidage serait située 50 km à l’est de Petite-Terre, à une profondeur de 30 km environ. Avec sortie de matière magmatique à un débit de l’ordre de 1,3km3, « ce qui est très élevé, et jamais observé auparavant en fond de mer », fait remarquer le chercheur.
L’analyse ne déroge pas aux constats déjà effectués, le manque de données ne permet pas de savoir ce qui se passe réellement au fond de la mer dans cette zone à 40 km de Mayotte. « Le lieu où se trouve le magma émis n’est pas connu », une partie pourrait sortir au niveau d’un édifice volcanique en formation, « il en existe d’anciens visibles dans la bathymétrie », ou d’une fissure éruptive « qui peut être longue de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres ». Une partie du magma peut aussi être capturé à faible profondeur dans la croûte superficielle sous forme de filons (roche allongée) verticaux (dykes) ou horizontaux (sills).
Enfoncement possible de Mayotte de 8 cm sur l’année
La quantité de magma estimée à 1,3km3 pourrait donc être remontée à la surface de la croute terrestre, à 30km de profondeur, « environ 1km3, ce qui devrait être clairement visible sur le terrain », et une partie pourrait être piégé par ces roches, « 0,3 km3 ». « Des mesures complémentaires à terre et à mer sont nécessaires pour confirmer ou infirmer cette hypothèse d’éruption volcanique et en préciser l’ampleur et le déroulement ».
Aussi, parallèlement à la publication de ces études scientifiques, la préfecture de Mayotte a remis à jour sa Foire aux Questions FAQ_30nov2018 en précisant notamment que depuis le mois de juin, un 8ème capteur est venu rejoindre ses petits frères, que le projet de l’envoi d’un navire est bien à l’étude, et que « le déploiement d’instruments complémentaires a été? finance? par le gouvernement et sera réalisé? dans les prochains mois ».
Si l’éruption dure un an, « ce qui est possible », la subsidence (l’enfoncement) moyenne de l’île de Mayotte pourrait être de l’ordre de 8 cm. A bout d’un an, ce serait 3km3 de magma qui se seraient ainsi déversés à 30km de profondeur marine, avec « la possibilité de formation d’un caldera », un cratère volcanique géant « à l’aplomb de la zone ponctionnée ». « La déformation observée à Mayotte pourrait aussi être observée, avec des amplitudes moindres mais significatives, depuis les îles Glorieuses, Anjouan et Grande Comore. »
Anne Perzo-Lafond