Shimaoré : les défis du passage à l'écrit

Pendant trois jours, des ateliers se penchent sur l'écriture du shimaoré. Un sacré défi pour cette langue avant tout orale, ou écrite en alphabet arabe. Se mettre d'accord sur une graphie et une grammaire est donc tant un défi, qu'une nécessité pour préserver la première langue maternelle de l'île.

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De nombreux intervenants, politiques, scientifiques ou littéraires

Le titre même de cet article pourrait faire bondir les puristes. Fallait-il écrire shimaoré avec un accent ? Forme francisée, ou sans accent ? Ou fallait-il l’écrire « shimawore », choix délibérément provocateur du Département de Mayotte sur son prospectus en vue des tables rondes de ce week-end. Une manière de poser le débat : comment écrire le shimaoré ?
La première question serait plutôt pourquoi l’écrire, mais les bonnes raisons ne manquent pas. Normer cette langue est un préalable à sa reconnaissance comme langue régionale, avec à la clé son enseignement à l’école par exemple. Le vice-recteur Stephan Marteens qui s’est présenté vendredi comme « fundi écoli » estimait que l’usage de la langue maternelle, sans être « une solution miracle », permettait de « partir du connu pour aller vers l’inconnu », et que « respecter la langue de l’autre favorise le vivre ensemble ». Autant dire qu’il est déjà loin le temps où parler shimaoré à l’école était sanctionnné.

Normer la langue, c’est aussi un gage de cohérence dans la rédaction de prospectus, publicités, communiqués, livres ou même articles de presse en langue locale. Aujourd’hui, de multiples orthographes cohabitent, et le consensus n’existe pas.
Pourquoi par exemple le son « wa » s’écrit-il avec un W dans « wami », mais différemment dans « Acoua » et encore autrement dans « soifi » ? Et quid des sons qui ne sont pas représentés dans l’alphabet latin ? Faut-il utiliser des caractères spéciaux ? Des associations de lettres ? Des accents ? Faut-il s’en tenir à l’alphabet phonétique international ?

Rastami Spelo, président de l’association Shime

Aux visiteurs, faut-il souhaiter Karibu ? Ou Caribou ? Le Département prend les rênes de cette réflexion, et une restitution sera effectuée lundi. A l’issue de réflexions qui s’annoncent intenses, le Département proposera une délibération sur « une graphie cohérence, aisée d’acquisition et identitairement acceptable ». Un tel consensus mettrait un terme à près de 30 ans de discussions sur le statut, la pratique et l’avenir du shimaoré.
En février prochain, des tables rondes sur le kibushi devraient tendre vers les mêmes objectifs : fixer la langue pour la préserver, l’officialiser et l’enseigner. Et il y a urgence. « A Mayotte, la situation des deux langues régionales est préoccupante », estime Bacar Achiraf, président de la commission éducation au CCEM. « Malgré leur utilisation quotidienne, elles sont de moins en moins bien parlées par les jeunes générations. Le kibushi souffre en outre d’un manque d’exposition médiatique ».

Au risque de troubler, voire de frustrer les tenants de telle ou telle orthographe, tous ceux qui sont persuadés de maîtriser « le vrai shimaoré », il faudra voir dans les règles à venir l’aboutissement d’une mission de sauvetage de la langue, fruit de plusieurs siècles d’échanges linguistiques et de migrations. Pour le président de l’association Shimé, Rastami Spelo, « officialiser un alphabet pour le shimaoré constitue une étape fondamentale pour sa sauvegarde ».

Encore faudra-t-il trouver le consensus tant recherché. A La Réunion où le créole est écrit depuis 1828, les normes font toujours débat 190 ans plus tard.

Les tables rondes se poursuivent ce samedi 08 décembre 2018, de 09h00 à 12h00 puis de 14h30 à 17h30 , avec les experts à l’Hôtel Le Trévani (Koungou)

Y.D.

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