Il suffit de parcourir les réseaux sociaux, ou les écrits officiels pour constater qu’il existe pléthore d’écritures différentes pour le shimaoré. Après trois jours de travaux, des linguistes se sont accordés sur une graphie unique en alphabet arabe, et un en caractères latins. Le gros enjeu de ces trois jours était de fixer une écriture unique pour chaque son. C’est chose faite. Pour l’alphabet latin, on peut noter par exemple un consensus autour de l’utilisation de l’accent circonflexe pour identifier les voyelles nasales. Ainsi dans un mot en shimaoré, le son « on » s’écrira « ô », le son « in », « î » et le son « an », s’écrira « ê ». Ce choix a été préféré à la proposition des phonéticiens qui lui préféraient le tilde « ~ », pour des raisons pratiques. L’accent circonflexe est plus facile à dénicher sur un clavier d’ordinateur, et encore plus sur un téléphone portable ou une tablette.
Cet aspect pratique lié aux nouvelles technologies a été au cœur d’un certain nombre de débats, dont ceux qui ne sont pas encore tranchés. Signe que le le shimaoré est plus que jamais une langue 2.0, pensée par, et pour des utilisateurs de moyens numériques.
Ainsi subsiste-t-il un débat sur certaines consonnes. Fallait-il utiliser une lettre crossée (caractères spéciaux peu disponibles sur les claviers et téléphones) ou doubler la lettre ? Un choix indispensable pour ne pas confondre « madame » et « insecte » en lisant simplement « bibi », par exemple.
Dans l’état actuel des choses, il a donc été décidé d’autoriser les deux graphies : « bbibbi », ou « ƀiƀi ».
« Les deux systèmes ne sont ni parfaits, ni totalement cohérents » assume un des linguistes qui rendait compte des travaux, mais qui assumait un choix de simplicité. Simplicité ? Pas tant que cela. Essai fait sur un téléphone Androïd, la lettre « ƀ » n’existe simplement pas dans l’alphabet proposé par le smartphone, et il nous a fallu fouiller dans les paramètres d’Open-Office pour en trouver l’équivalent et le copier-coller ici. Un souci de taille quand on sait que ce choix a été fait en « considérant que le numérique est une chance pour la diffusion des langues ».
La principale chance qu’aurait le Département d’imposer ces caractères spéciaux, qu’une scientifique déconseillait vendredi encore, serait de convaincre les éditeurs de logiciel et les fabricants d’ordinateurs d’intégrer ces caractères aux claviers physiques et numériques. Pas gagné.
Les ateliers sont toutefois arrivés aussi à la conclusion qu’il serait utile de créer de concert un site Web pour faire connaître ce nouvel « alphabet » mais aussi un observatoire numérique qui surveillerait l’utilisation qu’en feraient les usagers sur Internet. En bonne langue vivante qu’il est, le shimaoré pourrait ainsi imposer ses propres règles, selon ce que décideront les locuteurs connectés.
Les conclusions des ateliers doivent encore être validés par un vote du Conseil départemental. Le kibushi fera l’objet des mêmes recherches dès le mois de février.
Une fois les alphabets validés, il restera le gros du chemin à parcourir : se mettre d’accord sur l’orthographe des mots, et la grammaire, étapes indispensables pour espérer voir, un jour, les langues de Mayotte enseignées à l’école.
Y.D.