« Le tourisme est mort à Mayotte ! » Ou comment réinventer un secteur en difficulté

Ce jeudi matin, le bureau du GemTour, association fédérant des acteurs du tourisme à Mayotte, réfléchissait à la relance d'un secteur en difficulté. Les enjeux sont énormes et les crises à répétition ont sinistré cette économie fragile.

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Le GemTour planchait jeudi sur les difficultés du tourisme à Mayotte

« Aujourd’hui, le tourisme, il est mort, on avait déjà essayé de le tuer en 2011, là il va nous falloir 3 ans ». La phrase assassine est de Laurent Gaubert, gérant d’hôtel sur Petite Terre. Présent à Mayotte depuis une douzaine d’années, il a vu sa clientèle passer de « 90% de touristes à 90% de professionnels ». Pire, « on est en décembre et là, on est vide. Après les grèves on était ruinés, avec les séismes on a subi des dégâts, nos fonds de commerce ne valent plus rien, le tourisme n’existe plus ». Bien sur des aides existent mais après le mouvement social du début d’année « les aides proposées étaient des emprunts, ça veut dire qu’au lieu de couler maintenant, on coulera l’année prochaine, on n’a tiré aucune leçon de 2011 ».
Mais le mouvement social n’est pas le responsable d’une situation déjà fragile. « Un des problèmes que nous rencontrons, c’est l’accès aux gîtes » note une autre responsable du secteur. « Il y a des choses qui existent mais il faut voir comment régler ça ». Citée en exemple, la plage de Sakouli où l’accès à des bungalows tout neufs est compliqué par une route en piteux état. « Le Département a une enveloppe pour les pistes rurales, on peut leur demander ce qu’ils comptent en faire en 2019 » suggère un autre entrepreneur.
Autre souci, des professionnels avec des projets nécessitant des subventions se heurtent aux difficultés administratives, liées à la complexité des dossiers, ou à des obstacles fonciers. Unanimité des membres du GemTour pour réclamer plus de soutien des élus locaux sur ces sujets.

Laurent Gaubert estime que le tourisme est mort et qu’il faut le réinventer

Des problèmes structurels qui s’ajoutent à la réputation de l’île, qui rend peu aisé l’attrait de touristes extérieurs. « Le tourisme à Mayotte il faut le créer » estime Laurent Gaubert, désireux de ne pas s’asseoir sur ce qui n’a pas fait ses preuves. Selon lui, « le tourisme à Mayotte n’est pas bleu ni vert, on n’a pas le plus beau lagon du monde, on a un des plus beaux, parmi d’autres donc. Par contre, la musada, vous l’avez vue où ailleurs ? Le tourisme il doit être blanc. Ce que cherche le touriste, c’est la beauté des sourires, des vêtements des femmes, des champs. La première des choses qu’on doit défendre, c’est le patrimoine. Les Cocos ont des histoires à raconter, des plats à préparer. L’histoire de Mayotte est récente et ceux et celles qui l’ont fait sont encore là » plaide-t-il.

Laurent Georgeault de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Mayotte conseillait alors aux professionnels du tourisme d’organiser leur propre lobbying. « Ce qu’on attend du GemTour, c’est du lobbying, sur les billets d’avion par exemple, ou sur l’état de catastrophe naturelle. Pour un billet Paris-Dzaoudzi, on peut faire deux Paris-New-York, ça doit faire interroger. Sur les bateaux de croisière, on a vu qu’on n’avait pas de retombées économiques, ça doit aussi nous inciter à réfléchir. Vous devez apporter des pistes de solution ».

Hassan Mlaraha plaide pour un tourisme rural qui passerait par les agriculteurs

Parmi les pistes conciliant les besoins d’une économie touristique basée sur l’existant, ne passant pas par de grands complexes hôteliers comme il en existe déjà pléthore dans la zone, et qui évite les contraintes liées au foncier, le président du GemTour Hassan M’Laraha a son idée : « le tourisme rural, l’idée c’est une plantation où l’on apporte un plus aux agriculteurs. Le touriste habite chez l’agriculteur. Pour ce dernier, c’est un complément de revenu qui lui permet d’embaucher ou d’investir, et ça peut attirer les jeunes. Et pour le touriste, c’est la découverte de la culture mahoraise. Il n’y a pas que les plages qui attirent ». Autre avantage pour le touriste : résider à proximité des sentiers de randonnée dans un cadre typique.
Si ce projet séduit les professionnels à la prochaine assemblée générale de l’association, celle-ci tentera de s’appuyer sur « les 3000 agriculteurs recensés, c’est un carnet d’adresse énorme ». « Cela se fait déjà en Europe mais on va l’adapter à la Mahoraise » conclut le président de l’association. Si le projet prend forme, il répondrait aussi au besoin de Mayotte d’une identité touristique, de valorisation de son patrimoine et de son environnement. C’est un nouveau paradigme touristique à inventer.

Y.D.

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