Ce mardi soir, à l’heure de la sortie des classes, les élèves du lycée Mamoudzou Nord prennent le bus, direction Dzoumogné pour certains d’entre eux. Entre les arrêts de bus des deux Majicavo, une pierre est envoyée en direction des passagers, passe par la fenêtre ouverte, et vient heurter la tête de Nadjim, un jeune de 1ère Professionnelle du lycée. Saignant abondamment, il est pris en charge par les secours vers les urgences. La blessure n’est pas grave, il s’en sort avec 2 jours d’ITT, et doit revenir en cours ce jeudi.
Dans son lycée, les réactions de ras le bol sont immédiates. Non pour venger leur camarade, mais pour savoir comment réagir de manière appropriée. Plusieurs élèves délégués passent voir leur proviseur, François Cuilhe, qui les a autorisé à 1 heure de débrayage, à visée informative à l’intérieur de l’établissement. Il nous explique sa démarche : « Je les ai accompagnés pour désamorcer en priorité les tentations de représailles, j’ai d’ailleurs appris que ce même mardi, un bus avait été caillassé à Longoni. Les élèves se plaignent de ne pas être en sécurité dans le bus, parlent de racket par des éléments extérieurs qui y pénètrent, sans doute par les portes arrière. »
Cinq élèves demandent à rencontrer les médias. Adel Mikidachi, Kaycha Ousseni, Mohamadi Kamardine dit ‘Maestro’, Rowena Montcherry, Djael Mze Hamadi, nous accueillent dans une salle de classe : « Nous voulons faire remonter notre mécontentement, notre dégoût de ce qui se passe aujourd’hui dans la société mahoraise. »
« On a le Bac à passer ! »
Ils préfèrent ne pas rester sur ce seul cas de caillassage, pour généraliser la problématique de la violence à l’ensemble de l’île : « On en a marre, il faut que ça s’apaise à Mayotte. On des épreuves scolaires du Bac à passer, et on veut les préparer dans la tranquillité. Et surtout éviter une grève contre l’insécurité comme l’année dernière qui nous a affectée, car la majorité des élèves de terminale a échoué au Bac. » Deux sont en 1ère et trois en terminale. Ils ne sont pas originaires du même village.
« Maestro » était dans le même bus que Nadjim : « J’ai vu 4 jeunes lancer une pierre, c’est de la violence gratuite. » La victime devait déposer plainte ce mercredi, relate-t-il.
Ils veulent médiatiser leur démarche : « Nous avons demandé à voir le maire de Koungou. Ces jeunes vivent dans sa commune, qu’ils aient des parents ou pas, c’est de sa responsabilité de s’occuper de ceux qui sont désœuvrés. L’avenir d’un pays dépend de sa jeunesse. » On ne sent pas de leçon apprise chez eux, mais la volonté de sortir d’une violence en face de laquelle beaucoup trop d’élus affichent du fatalisme.
Finalement, ils comptent organiser un grand rassemblement dans l’amphithéâtre de leur lycée, en conviant « le chef de la Police nationale, de la gendarmerie, le patron de Matis, et les maires de Koungou et Mamoudzou, en présence des délégués de chaque classe du lycée. On aimerait que tout Mayotte nous entende, car ça se passe partout. » Et pour gagner de l’écoute, ils se tourneront probablement vers la musique, dans un second temps, « pour créer une chanson contre la violence, du même type que ‘On veut pas d’ça’, créé à Mgombani ».
On voit bien que les opérations ponctuelles comme les passages impromptus des gendarmes dans les bus scolaires, ne sont pas une solution de fond.
A une réponse pacifique des élèves, espérons une mobilisation massive des élus.
Anne Perzo-Lafond