Le Sénat a définitivement adopté ce jeudi la proposition de loi relative au délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte, adoptée par l’Assemblée nationale le 29 janvier 2019.
Cette proposition de loi vise à corriger une erreur de coordination commise par l’Assemblée nationale lors de l’examen en nouvelle lecture de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Elle prévoit de conserver l’état du droit à Mayotte et donc de maintenir à cinq jours le délai maximal dont dispose le juge des libertés et de la détention (JLD) pour contrôler une mesure de placement en rétention (à l’initiative du retenu) ou pour autoriser sa prolongation (à la demande du préfet) – par dérogation au délai de quarante-huit heures applicable sur le reste du territoire français.
« Compte tenu de l’afflux intense et constant de migrants à Mayotte, le délai de droit commun aurait crée une embolie sur la justice et la sécurité de l’île, déjà fortement sollicitées. Le maintien d’une telle procédure dérogatoire répond ainsi à d’impérieuses nécessités opérationnelles en raison notamment des relations difficiles entre la France et les autorités de l’Union des Comores, mais également de la configuration géographique particulière de l’île qui ne permet pas de multiplier les escortes entre le centre de rétention administrative de Pamandzi, situé à Petite-Terre et le tribunal de grande instance situé à Grande-Terre sans détourner les forces de police de leurs mission », commente le sénateur Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la proposition de loi au Sénat. Des « relations difficiles » avec nos voisins, qui provoquent des incidents impactant les reconduites « qui peuvent être interrompues », ce qui rend nécessaire selon lui cette dérogation.
Il rappelait au Sénat le contexte d’application de cette dérogation, « selon les derniers chiffres de l’INSEE issus du recensement 2017, 48% des habitants de Mayotte est de nationalité étrangère dont la moitié est en situation irrégulière. Leur nombre oscillerait entre Mayotte 60.000 et 75.000 étrangers en situation irrégulière », ce qui « contribue à désorganiser les services publics mahorais ».
Il en profite d’ailleurs pour rappeler, comme l’avait indiqué la députée Ramlati Ali en réponse aux critiques de son collègue Mansour Kamardine, que l’objet du texte était « circonscrit à la correction, avant le 1er mars, de cette erreur de coordination concernant le régime procédural de la rétention administrative », et n’avait donc « pas vocation de traiter de tous les sujets relatifs à Mayotte, ni de relancer les riches débats sur la politique migratoire qui ont eu lieu il y a six mois. » Fin de la polémique ?
Thani Mohamed Soilihi en profite pour saluer les efforts du gouvernement, qu’il appelle à « poursuivre et amplifier » la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte, « par le renfort des équipements et effectifs, des moyens alloués à la lutte contre l’habitat et le travail illégaux, de la coopération diplomatique avec l’Union des Comores, ou encore des campagnes d’informations en direction des risques liés aux pratiques frauduleuses (travail et habitat illégaux, reconnaissance de paternité de complaisance, …). »
A.P-L.