Les chiffres du chômage viennent de tomber : entre 25.600 personnes (au sens du BIT de démarches actives de recherche), et 51.000 sans emploi mais qui souhaitent travailler. Si sur une petite île, il est difficile d’absorber les 5.000 nouveaux demandeurs d’emploi chaque année, une montée en compétence permettrait d’assurer un avenir à beaucoup d’entre eux. Or, on en est loin.
Report des commandes de lots de la part du conseil départemental, clientélisme, suivi aléatoire des organismes de formation professionnelle… Ils sont pourtant prés d’une quarantaine à Mayotte, « mais seulement quatre ou cinq ont un niveau de qualité supérieure. Or, il faut monter le niveau de formation », nous explique Enfanne Haffidou, Directeur général adjoint de la Formation professionnelle. Il cumule d’ailleurs cette direction avec celle de l’Economie, un atout qui colle à l’esprit de la nouvelle loi pour la liberté de choisir son Avenir professionnel du 5 septembre 2018, souligne-t-il, « puisqu’en concertation avec les partenaires sociaux, nous déciderons d’accorder des formations dans les secteurs en tension ».
La loi instaure une gouvernance restreinte en matière d’apprentissage, la préfecture, le conseil départemental, les autorités académiques et les partenaires sociaux. Et fait du Contrat de plan régional de développement de la formation et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP) le document de référence principal. Il est en cours d’élaboration au Département qui avait organisé ces lundi et mardi, sous l’égide du GIP CARIF OREF, deux journées d’atelier avec les professionnels. Les 4 partenaires de co-gouvernance donneront les orientations du CPRDFOP pour 5 ans.
Exit les formations trop évasives
Le cœur de cible de la réforme, c’est l’individualisation, et pas à moitié ! « N’importe qui pourra s’inscrire à une formation depuis son téléphone portable sans passer par un tiers. Il suffit qu’il ait assez de droits sur son Compte Personnel de Formation (CPF) », explique le cabinet AMNYOS qui assiste le Département. L’individu devient « acteur de son parcours », et l’organisme de formation professionnelle doit monter en compétence en répondant à 6 critères de qualité, avec notamment la tenue d’un livret d’accueil, la mise en place d’un suivi pédagogique, un encadrement qualifié et adapté au public formé, etc.
Depuis le 1er janvier 2019, une grande partie de ces changements sont opérationnels, mais beaucoup sont à aménager d’ici 2022. Enfanne Haffidou ne cache pas son impatience : « C’est un chantier structurant majeur, une nouvelle approche qui nous est proposée avec non plus une offre de formation trop évasive, trop globalisante, mais basée sur un individu qui devient force de proposition en fonction de son parcours et de ses besoins en formation. Notre rôle est de l’accompagner. On a déjà mis en place des nouveaux logiciels, et une restructuration de notre direction de la formation pour répondre à ces défis. »
71% de la population à qualifier
Cela passera par un accompagnement des organismes de formation vers une montée en compétence, « chaque année nous avons une enveloppe dédiée à la formation des formateurs, et c’est un volet du futur PIC », le Plan d’Investissement Compétences. Il reprend de la base sur un territoire où 71% de la population n’a aucun diplôme qualifiant (INSEE 2012), « il faut faire évoluer les 48% de personnes en situation d’illettrisme et d’analphabétisme, puis passer à la préqualification, à la qualification, et ensuite à la certification et au diplôme. Et transversalement, remettre à niveau des salariés insérés dans l’emploi. »
Nous revenons malgré nous à l’actu chaude, puisqu’avec la formation professionnelle, le Département assume les compétences d’une Région, « nous sommes compensés pour cela chaque année à hauteur de 7 millions d’euros par l’Etat, et de 5 millions d’euros supplémentaires depuis la dispositif Macron du plan d’Investissement compétences. Il faut aussi compter le FSE qui prend en charge 85% des 7 millions d’euros », quand il est consommé. Soit au mieux, 18 millions d’euros. « Le problème n’est pas financier, mais repose sur une remise à niveau des acteurs », résume-t-il.
Anne Perzo-Lafond