109 mètres de long. 5000 tonnes. A son bord, un robot de 9 tonnes capable d’opérer à plus de 2500 mètres de profondeur. Avec ses 52 membres d’équipage, le Léon Thévenin est un navire plein de surprises. Vous avez pu le voir ce lundi matin au large de M’tsapéré, alors qu’il raccordait Mayotte au tout nouveau câble optique Lion 3, posé courant février depuis Moroni.
Pour cette dernière étape d’une opération de près de deux semaines, la date du 25 février avait été retenue, obligeant le navire à un repos forcé dimanche au port de Longoni. L’occasion pour l’opérateur Orange, propriétaire du navire, de nous offrir une petite visite du câblier.
Après quelques contrôles de sécurité, de l’entrée du port au quai No 1 où le navire était amarré, nous arrivons dans la salle de contrôle. Un gros ventilateur brasse l’air de cette pièce aérée par deux petits hublots. Un grand tableau blanc schématise le tracé du câble Lion 3, de Moroni à M’Tsapéré via le sud de Mayotte. Un contournement décidé en fonction des fonds marins. Car si le câble n’épouse pas parfaitement le relief, il peut bouger et se briser, nécessitant de coûteuses réparations.
A Côté du tableau, un poste informatique d’une demi douzaine d’écrans permettant de suivre le relief du fond marin, le déroulé du câble ou encore une vue en temps réel des autres salles d’opération.
Juste à côté, dans une immense salle remplie de bouées, le câble sort d’immenses enrouleurs situés dans deux compartiments de 700m² chacun à l’étage du dessous. Jusqu’à 1000 tonnes de câble peuvent y être enroulés puis déroulés. Là aussi, un poste de contrôle permet de suivre au plus près l’installation des fibres optiques. C’est dans cette même salle qu’est installé l’atelier soudure. Ici, un spécialiste, formé avant chaque mission, est chargé de réparer les câbles endommagés. Il faut alors sous 24 heures appareiller pour se rendre au niveau de la casse, extraire le câble du fond et le réparer avant de le replonger.
Surprise, la table de soudure n’est guère plus grande qu’un atelier de menuisier.
Des équipements high tech permettent des soudures spécifiques à chaque type de câble. Si tout cela ne prend que peu de place, c’est qu’un câble sous marin ne mesure guère plus d’un centimètre d’épaisseur, en incluant la gaine. Les plus fins sont au large. Les plus épais, près des côtes, pour résister aux ancres et autres chalutiers.
Au cœur de ce tube, les fibres optiques par lesquelles transitent tout l’Internet mondial font tout juste 6 microns d’épaisseur. Un dixième de cheveu. Par ce minuscule canal, jusqu’à 2 térabits (2000 gibabits) d’informations peuvent circuler chaque seconde. De quoi assurer largement les besoins en haut débit de tout Mayotte et bien plus.
Pour extraire un câble du fond marin, car le Léon Thévenin est d’abord un vaisseau de réparation, un ROV, robot piloté à distance, occupe tout le pont extérieur. Bardé d’électronique, cet outil de 9 tonnes peut se déplacer dans toutes les directions dans l’eau ainsi qu’au fond grâce à des chenilles, et saisir et couper les câbles avec des bras articuler et une pince dédiée.
Autant d’opérations qui sont menées avec une coordination parfaite. En effet, chaque équipe doit adapter son poste en temps réel. Le commandant notamment, doit adapter la vitesse du bateau à celle des dérouleurs, pour que le câble ne se tende pas trop, au risque de casser. La trajectoire est calculée très précisément pour poser le câble dans le couloir défini au fond de la mer, parfois à plusieurs kilomètres de profondeur.
Pour se faire une idée, la pose du Lion 3, c’est un navire qui se déplace à moins de 2km/h, déroulant 450km de câble pendant 10 jours, en s’assurant que le câble se pose bien au fond, à l’endroit voulu, pas moins de 7km derrière le bateau et entre 1000 et 2000m de fond.
C’est seulement une fois cette opération terminée que le navire a pu raccorder le câble au réseau mahorais ce lundi. Il sera opérationnel autour du mois de septembre. Par ailleurs, un boîtier a été installé pour, plus tard, y raccorder aussi Madagascar.
Quant à l’intérêt, il ne s’agit pas d’augmenter le débit mahorais, surtout limité par le réseau cuivré local.
« L’enjeu le plus important c’est la sécurisation, explique Carine Romanetti, responsable des installations réseau chez Orange. Mayotte n’est reliée au reste du monde que par le Lion 2. Si avec l’activité sismique, un glissement de terrain a lieu et que ce câble est coupé, la réparation peut durer plusieurs semaines ».
Cette opération à 15 millions d’euros a été cofinancée par Orange et SRR à Mayotte, chacun prenant en charge 25% du budget total. Ces fonds privés sont, in fine, financés par l’abonné. Le reste est payé par Comores Câbles, avec un financement intégral de la Banque Mondiale.
Y.D.
Voir les vidéos du déploiement du câble :
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