Audience de rentrée au tribunal : « Créer des solutions nouvelles dans le respect des lois »

Empreinte d’un cérémonial qui pourrait paraître surannée, l’audience solennelle de rentrée est un exercice qui permet d’entendre les visions du siège et du parquet sur l’année écoulée et les attentes pour 2019. Et aura accueilli la nouvelle juge des Affaires familiales.

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Laurent Sabatier présidait cette nouvelle audience solennelle de rentrée

En rapportant à son auditoire les propos de l’ouvrage « Magistrats en majesté » assurant que des yeux du 19ème siècle seraient surpris par les audiences solennelles actuelles, le procureur Camille Miansoni ne croyait pas si bien dire, lui qui se retrouvait quelques minutes plus tard les bras chargés d’ordinateurs portables, un cadeau du ministère de la Justice dans le cadre du Plan de Transformation du numérique, remis par Véronique Malbec, la secrétaire générale du ministère de la justice présente à Mayotte.

Le procureur de la République évoquait en réalité le caractère contestataire des audiences solennelles actuelles, « bien loin des cérémonies d’antan ». Un clin d’œil au boycott de certains magistrats de l’Union syndicale des magistrats en protestation contre la Loi de modernisation de la Justice.

Dans le public, Véronique Malbec et Alain Chateauneuf, le 1er pt de la Cour d’appel de Saint Denis

Décidément, quand ce ne sont pas les avocats qui boycottent, comme il y a quelques années, ou les élus départementaux qui craignaient jadis de se faire taper sur les doigts pour leur inaction, ce sont donc les magistrats eux-mêmes qui profitent de ces audiences solennelles pour faire entendre leur voix, comme ce fut le cas cette année un peu partout en France.

Une audience solennelle de rentrée, c’est une cérémonie à part, codifiée, une sorte de pas de deux entre les juridictions du siège et du parquet qui conserve toute sa solennité. Elle est l’occasion de la prise de fonction de magistrats, ce fut le cas ce jeudi pour Virginie Benech, nouvelle juge aux Affaires familiales.

Début de condamnation de la délinquance en col blanc

Le parquet appelait à innover à Mayotte

Le début d’année mouvementée de 2018, « en raison d’un ras-le-bol général de la population face à la délinquance », rappelait Camille Miansoni, aura perturbé les statistiques : « Si la juridiction est restée ouverte, certains ayant franchi les barrages malgré les outrages des plus extrémistes, les données générales de l’activité du TGI, recueillies grâce à la mise en service du fichier Cassiopée* en 2018, ne sont pas représentatives d’une année normale. »

Il se réjouissait évidemment de la baisse de la délinquance de 9% en 2017, et de 8,8% en 2018, qu’il impute à d’avantage de déploiement des forces de l’ordre, « à la mobilisation populaire multiforme », à la collaboration des acteurs publics, « notamment la PJJ », à la réponse judiciaire « qui a permis de neutraliser des groupes d’individus recherchés ». Le procureur condamnait de nouveau les « décasages », « qu’il s’agisse de délinquants ou d’habitants, nous avons répondu avec fermeté ».

Sur le plan judiciaire, le nombre de plainte s’est accru de 17% en 2018, par rapport à l’année précédente, et les affaires suivies de 6%. La délinquance financière a été punie, veut-il souligner, « il y a eu des condamnations à la suite de rapports de la Chambre régionale des comptes ». En matière de délinquance des mineurs, Camille Miansoni se satisfait de la diversification de la réponse pénale, et évoque un travail « constructif » avec l’Aide sociale à l’Enfance.

Elus, corps constitués et partenaires de Justice sur les bancs de la salle d’audience

Pour 2019, le procureur se réjouit de « la numérisation en cours des procédures pénales menée par la bâtonnière », Fatima Ousseni, et appelle à « l’innovation institutionnelle, c’est à la mode ! », lançait-il à l’endroit du président du Département Soibahadine Ramadani, et du sénateur Thani Mohamed Soilihi : « Il faut créer dans le respect des lois, des solutions nouvelles, en sortant des schémas convenus. »

+1.048% de contentieux liés aux droits des étrangers

C’est plus sous une forme de bilan que le président du TGI Laurent Sabatier prenait la parole, pour s’adresser à ses collaborateurs et partenaires de justice, et se féliciter d’une collaboration efficace avec notamment la directrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, le directeur du centre pénitentiaire, « qui accueille d’avantage de personnes détenues pour des peines plus longues », ou avec la Police aux Frontières, « les contentieux liés aux droits des étrangers ont explosé de 1.048%, avec 2.136 décisions en 2018 contre 186 en 2017. » Si on compare avec l’année 2015, la hausse est de plus de 6.700% !

Viriginie Benech, nouvelle juge aux affaires familiales

Si les cadis, très représentés lors de cette audience, n’ont plus de fonction juridictionnelle, leur « autorité morale et religieuse », qui constitue « le premier rempart contre la radicalisation », est requise par le tribunal au sein d’un partenariat pour « contribuer au lien social dans une médiation administrative et judiciaire ».

Les avocats seront plus étroitement associés au conseil de juridiction, et avec le procureur, Laurent Sabatier se réjouissait d’avoir « préservé le lien entre siège et parquet. »

Auparavant, il avait mis l’accent sur l’accès à cette « vertu érigée en institution » qu’est la justice, « de l’idéal à la pratique il y a parfois un gouffre », et il appelait à étoffer le Centre Départemental d’Accès aux droits, dont une antenne va ouvrir à Chirongui. Il appelle les avocats à organiser une permanence gratuite pour les justiciables.

Les discours n’étaient pas immédiatement ponctués par un pot, pour trois raisons. La première tient à l’agenda du prestataire, « il s’est trompé de jour ! », informait le président Sabatier. Deux surprises ont néanmoins fait patienter les invités.

Yasmina Baubet recevait la médaille d’or des services judiciaires

D’abord, Yasmina Baubet, Secrétaire du président de la Cour d’appel et secrétaire de l’avocat général, recevait la médaille d’or des services judiciaires des mains d’Alain Chateauneuf, 1er président de la Cour d’Appel de Saint-Denis. A travers son discours, on mesurait l’évolution de la juridiction, « quand j’ai commencé comme secrétaire greffière au tribunal d’appel en janvier 1988, il y avait 3 magistrats, 2 avocats, pour 70.000 habitants… » Le Palais de Justice était sis rue de l’hôpital, et n’a pas résisté à la tempête Ernest de 2005.

Et enfin, Véronique Malbec jouait au Père Noël en déchargeant ses cadeaux numériques dans les bras du président et du procureur.

« Du tout il sera dressé procès verbal », messieurs les président et procureur !

Noël numérique au TGI ! Quatorze ordinateurs portables livrés à bon port par Véronique Malbec

Anne Perzo-Lafond

* Chaine Applicative Supportant le Système d’Information Oriente Procédure pénale Et Enfants, permet de centraliser sur un fichier national unique, les renseignements sur les plaignants et les prévenus

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