Après les 10 ans de la consultation pour la départementalisation de Mayotte, ce dimanche 31 mars, nous avons célébré les 8 ans de ce statut, qui découlait de la volonté à 95,2% de la population d’y accéder. Un homme était aux manettes à cette époque, étrange destin que celui d’Ahmed Attoumani Douchina, qui n’y avait pas été prédestiné, et qui ensuite, n’a pas pu s’y maintenir. Il revient avec nous sur les alliances entre partis et mésalliances au sein du sien, qui ont malgré tout mené à bout ce qui était un engagement quasiment à la vie-à la mort.
JDM : Comment en est-on arrivé au référendum du 29 mars 2009 ?
Ahmed Attoumani-Douchina : « Pour pouvoir être consultés, il fallait le demander au gouvernement. Elu président du conseil général en mars 2008, j’ai été à l’initiative de la résolution du 18 avril 2008, que tous les élus ont approuvé à main levée. Beaucoup ont participé à sa rédaction, le DGS André Dorso de l’époque, le conseiller général et futur député Ibrahim Aboubacar, ainsi que tous les anciens élus, Henry Jean Baptiste, Marcel Henry, Jean-François Hory. Je m’étais appuyé sur la consultation de juillet 2000 où la population s’était prononcé à prés de 73% en faveur de l’’Accord sur l’avenir de Mayotte’. Nous avons été tous ensemble à Paris pour déposer cette résolution aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et au premier ministre. L’année d’après, le référendum nous était proposé. »
JDM : Avec un résultat, 95,2% qui a du vous remplir de fierté ?
Ahmed Attoumani-Douchina : « Oui, pour plusieurs raisons. D’abord, ce fut un poids, une grosse responsabilité. Je n’avais pas été prédestiné à occuper ce siège de président de la collectivité départementale. En 2004, j’étais simplement secrétaire départemental de l’UMP. Mais en 2008, ni Mansour Kamardine*, ni Maoulida Soula, qui avaient été pressentis pour le poste, ne sont élus. Zoubert Adinani** a fait en sorte que je sois président, et m’a fait jurer sur le Coran de tout faire pour que l’île accède au statut de département. Originaire d’une famille de fundis qui enseignait le Coran dans les villages, je mesurais l’engagement que je venais de prendre.
Ensuite, les informations que recevait le préfet de l’époque, Hubert Derache, donnaient un score très serré pour le référendum, 50-60%. Je prenais ça très au sérieux, je ne voulais pas d’un score inférieur aux 73% de la consultation de 2000. Nous avons donc mis toute notre énergie dans la balance pour que le résultat soit incontesté. »
Les opinions contraires à la départementalisation pouvaient-elles s’exprimer ?
Ahmed Attoumani-Douchina : « Chez les Mahorais, il n’y en avait quasiment pas. Par contre, chez les enseignants de l’époque, oui. Ils craignaient peut-être pour leurs indemnités d’expatriés, je ne sais pas. Je les entendais se moquer dans l’avion, ‘et ils croient qu’ils vont avoir la départementalisation !’ Mais ça ne m’inquiétait pas, et j’ai appris à prendre du recul. »
Ensuite, il a fallu mettre en place cette départementalisation. Mais avec un pacte proposé par le président Sarkozy, vide de contenu, notamment pointé par la Cour des Comptes…
Ahmed Attoumani-Douchina : « Ce Pacte, ce n’est pas ma plus grande fierté, je l’avoue. Mais il faut le replacer dans le contexte. Il faut tirer un coup de chapeau au président Sarkozy qui était très isolé dans son choix de nous départementaliser. On peut penser qu’en contrepartie, il a été obligé de lâcher du lest sur les autres engagements, d’autant plus que la France était touchée de plein fouet par la crise financière de 2008. »
En dehors du pacte, une fois le statut obtenu, il n’y avait pas de réelle vision politique sur place…
Ahmed Attoumani-Douchina : « Oui c’est vrai, mais l’objectif, c’était le statut, n’oubliez pas que c’était ma mission. Les gens de ma génération ne demandaient rien d’autre que cette garantie de stabilité politique de notre île, et, pensait-on, de la fin de la revendication territoriale des Comores.
Justement, vous m’avez demandé de quels combats j’avais été fier. Le second, après la départementalisation, c’est la mise en place du Groupe de Travail de Haut Niveau, le GTHN***, avec les Comores, en 2007. Il émanait d’un accord entre les deux présidents, Sarkozy et Sambi, le premier ayant tenté de faire croire au second qu’une sorte d’union pouvait naître de cette collaboration. Ma scolarisation dans le second degré à Moroni me permettait de retrouver bien des années après, des camarades de classe devenus députés ou ambassadeurs, et d’initier un début de coopération qui aurait pu se concrétiser. Mais les échanges ont été suspendus. »
Le 31 mars 2011, c’est le jour J de la départementalisation. Mais l’assemblée plénière ne s’est pas tenue faute de quorum. Votre parti ayant joué la politique de la chaise vide…
Ahmed Attoumani-Douchina : « Oui, des discordes internes à l’UMP**** ont abouti à des trahisons, et a fait basculer l’élection qui a porté le MDM Daniel Zaïdani à la tête du Département, alors que j’avais l’appui de l’Elysée. »
Et maintenant ?
Ahmed Attoumani-Douchina : « Nous évoluons sur notre compétences de Région, avec les propositions de loi Thani sont l’œuvre d’un travail formidable. Quelques points m’interpellent, qui méritent d’être davantage précisés, notamment le mode de scrutin proportionnel de listes. Le chemin n’est pas fini, beaucoup reste à faire. Mais nous avons depuis 2011 un cadre pour avancer. »
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* A. A. Attoumani Douchina se présente contre le député sortant de son parti, Mansour Kamardine. Aucun des deux ne sera élu
** Figure politique et religieuse de Mayotte, il fut maire de Tsingoni, et président du Conseil Régional du Culte Musulman
*** Le Groupe de Travail de Haut Niveau avait proposé un projet d’accord global autour de trois volets : les conditions de la circulation des personnes et des biens, le développement de la coopération régionale, les modalités institutionnelles de cette coopération régionale. Ses travaux ont été suspendus à la suite de la consultation du 29 mars 2009
**** En novembre 2012, il quitte l’UMP pour rejoindre l’UDI
On est surtout dépité face à l’inaction de l’Etat sur les problèmes d’immigration clandestine.
Incompétence des élus plus des business des politiciens la libre circulation des personnes et de bien, plus des immigrations