Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, la défense de l’environnement entravait les volontés de développement économique. On l’a vu pour le rallongement de la piste accusée de menacer coraux et dugongs. Depuis, on a découvert les concepts d’économie circulaire, de croissance inclusive, bref, des notions intégrées dans l’économie verte.
Si la note de l’IEDOM met l’accent sur cette conciliation difficile entre développement économique et préservation de l’environnement, c’est surtout le développement démographique accéléré à Mayotte, notamment en raison de la pression migratoire, qui grignote peu à peu des pans de forêt et d’espace végétal. Avec leurs lots de dégradations : « La raréfaction et la pollution des ressources en eau, la pollution des sols et de l’air, la déforestation, l’érosion des sols, l’envasement du lagon, la perte de la biodiversité », autant de sujets qui peuvent inciter à des actions réparatrices, et donc, « que l’économie verte peut englober ».
Seulement, le secteur est peu dynamique, voir inexistant pour l’instant, puisque « seulement 0,8 % des entreprises mahoraises », y travaillent, soit 630 entreprises à fin décembre 2017, dont la protection de l’environnement, la gestion et la valorisation des déchets, et surtout, dans l’efficacité énergétique du bâtiment.
Face à l’économie formelle, où l’on retrouve la plupart des acteurs, l’économie informelle pourrait servir de tremplin, en œuvrant sur le réemploi et le recyclage des déchets, « si elle parvient à se structurer en développant des solutions locales comme favoriser, par exemple, une économie de la fonctionnalité ».
Trois fois plus de pollution par les véhicules dans l’avenir
« La faible part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, la gestion des déchets encore balbutiante et le système d’assainissement sous-dimensionné témoignent de marges de progression importantes. » En effet, alors que le principal objectif était d’atteindre 50% d’énergies renouvelables à horizon 20208 avec un objectif intermédiaire de 20 % en 2018, nous n’en sommes qu’à 5%. Un deuxième volet porte sur la période 2019-2023, avec des contours stratégiques autour de quatre champs d’action : l’équilibre de la distribution en électricité, les transports sobres, l’émergence des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ou Maitrise de la demande en énergie (MDE).
D’un autre côté, le potentiel de renforcement de l’empreinte carbone est réel, avec un taux d’équipement en véhicules des Mahorais de 26 % en 2014 (INSEE), contre 75% à La Réunion et 80 % en Métropole, « suggérant ainsi un potentiel de croissance importante. Avec une hausse du niveau de vie, même à population constante, il est possible d’avoir 3 fois plus de voitures sur les routes mahoraises dans les années à venir ». Le projet de transport en commun est vu d’un bon œil.
Avec une consommation en énergie en constante progression, les actions à mener sur la Maitrise de la Demande en Energie semblent urgentes. Règlementairement gérées par EDM, ces dernières sont de natures diverses : le développement des chauffe-eaux solaires, la récupération d’énergie, le développement des compteurs communicants, etc. Mais aussi, d’autres projets de plus grande envergure, sont en réflexion depuis des années, notamment la récupération de chaleur fatale17 sur la zone industrielle de Longoni, cette chaleur pouvant être mise en valeur sous différentes formes : valoriser la chaleur perdue en énergie électrique, qui permettrait de produire entre 5,0 et 10,0 % d’électricités supplémentaires ou un projet de désalinisation d’eau de mer.
Pour l’instant, « malgré de nombreux projets en cours, les perspectives relèvent encore de l’incertitude quant à leur réalisation ».
Début de dynamisme dans la société civile
On apprend également que plus de la moitié des déchets enfouis à l’ISDND (Installation de Stockage de Déchets non Dangereux) de Dzoumogné sont valorisables… Les marges de progression restent donc importantes : « Le manque de déchetterie à Mayotte empêche la mise en place de plusieurs filières », notamment sur les meubles, les textiles, les déchets phytosanitaires, les produits d’entretien, les pneus, les véhicules hors d’usage. « Sur les huit déchetteries prévues par le Plan d’élimination des déchets ménagers et assimilés (PEDMA) en 2020, aucune n’est opérationnelle et seulement deux d’entre elles sont à un stade avancé de réflexion. »
L’IEDOM conclut sur une note encourageante : « La stratégie de développement ne reste pas atone et un certain dynamisme commence à s’amorcer auprès des Organisations de la société civile et des pouvoirs publics. L’ensemble des enjeux identifiés répond à un important besoin de structurer mais aussi de financer ».
Des financements présents à Mayotte, sous plusieurs formes. « Toutefois, beaucoup d’associations présentent des difficultés quant à leur capacité à mobiliser des financements en raison de la complexité dans le montage des dossiers ». Seulement une quinzaine de projets ont eu recours au Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), ou autre depuis 2014. Malgré une volonté de développer leurs activités, les organisations de la société civile sont freinées par leur manque de trésorerie.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), le Plan global transports et déplacements de Mayotte (PGTD), le Plan Climat-air-énergie territorial (PCAET), la Stratégie biodiversité pour le développement durable de Mayotte sont autant de documents sur lesquels les acteurs peuvent se reposer pour pérenniser les éco-activités à Mayotte, qui vont de pair avec l’affirmation d’une volonté politique forte de les appliquer.
« Si la croissance économique à Mayotte parvient à s’allier au développement de l’économie verte, elle sera accompagnée par des avantages comparatifs que Mayotte pourra gager pour l’émergence de secteurs tels que le tourisme ».
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Anne Perzo-Lafond