Celui qu’on a vite adopté sous la contraction quasiment affectueuse de Muma, a pris du galon il y a 10 jours. Tout comme celui qui le porte depuis 2012. Abdoul-Karime Ben Said a été décoré de l’ordre de Chevalier des Arts et des Lettre par Michel Colardelle, Président du Conseil scientifique du Musée, ce 30 mars 2019, date à laquelle était également officiellement remis le label « Musée de France » au Muma, annoncé en janvier par le président du Département. C’était également l’occasion d’inaugurer la 5ème préfiguration du musée, sur le thème « Immersion dans les profondeurs sous-marines ».
La qualité de l’exposition n’a plus rien à voir avec les timides débuts du Muma. Avant lui, quasiment rien. Pas de lieu où l’on pouvait visiter l’Histoire de Mayotte, à peine quelques petits échantillons de flore aquatique conservés à l’ancienne école de pêche. Il y avait tout à créer. « Il a fallu constituer la première acquisition, et mettre peu à peu en place les fonctions d’un musée. Un travail qui a duré 3 ans, avant de pouvoir prétendre au label ‘Musée de France’. »
Pas évident quand on sait que nous en sommes toujours au stade de préfiguration d’un grand musée qui doit, un jour, investir les locaux de l’ancienne Résidence du gouverneur, en Petite Terre : « Ce n’était pas évident au niveau de l’administration centrale du ministère de la Culture. Certains jugeaient qu’un musée sans collection n’était pas viable. Nous avons mis 3 ans pour rattraper notre retard et nous doter d’une collection, grâce aux nombreux soutiens, dont celui de la Direction des Affaires culturelles ici à Mayotte, et à la mise à disposition de Colette Foissey, conservatrice en chef du patrimoine, de Michel Colardelle. »
Entretemps, le Projet Scientifique et culturel qui contient les axes de développement du musée, est validé.
En attente de la Résidence du Gouverneur
Les « musées de France » sont des musées agréés par l’État et bénéficiant de son aide. A ne pas confondre avec celui de Musée national, plus exigeant. À ce jour, 1.218 musées ont reçu l’appellation « Musée de France » en France.
Nous n’en sommes pour autant pas à la fin de la phase de préfiguration, qui doit durer encore 10 ans environ. Notamment en cause, la rénovation du bâtiment délabré, qui fut la Résidence du gouverneur, jadis visitée par le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, et qui avait été chiffrée à plusieurs millions d’euros, « nous avons demandé l’assistance de l’OPPIC, l’Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers, qui doit se déplacer à Mayotte ». En attendant, c’est l’ancienne caserne qui abrite le musée, et les murs en ont connu d’autres avant lui, « ils ont abrité l’ancienne Poste, l’internat du collège ou les finances publiques. »
Il faut aussi muscler les acquisitions, « et nous n’avons pas encore de collection permanente. » Cette 5ème préfiguration qui a permis la labellisation, propose au visiteur une plongée dans les abysses. « Nous avons récupéré la collection de l’ancien musée de la mer à l’école de pêche, et bénéficié de dons, notamment des collections Pichon, de coraux, et d’Eugène Schublin, qui possédait notamment un Cœlacanthe.
Outre le soutien scientifique, technique et financier de l’Etat pour acquérir de nouvelles acquisitions, ou pour entreprendre des rénovations, ce label rend les collections inaliénables et imprescriptibles, elles ne peuvent être vendues ou saisies. Bon, pour l’instant, pas de gros trésors en magasin, quoique… les canons ont toujours fière allure. Le Muma peut aussi désormais accueillir des expositions de l’extérieur.
« Je n’avais pas confiance en moi »
Encore faut-il garder ce label ! Pour cela, on peut compter sur Abdoul-Karime Ben Said, et son équipe de 16 agents, dévoués au Musée. Fait Chevalier des Arts et des Lettres, le linguiste arabisant, titulaire d’un DEA en Sémiologie et linguistique à Lyon II, revient à Mayotte en 2007, et finit par occuper le poste de Régisseur général au conseil général de l’époque. Qui décide de valoriser le Debaa. Il traduira pour les chanteuses des centaines de textes en arabe, « ce sont des poèmes de tradition soufi mythiques, qui parlent d’amour, certains datent du IXème siècle. Très peu sont issus du Coran. »
Le Debaa avait d’ailleurs intégré la 2ème préfiguration du Muma, « des textes andalous du XIIème siècle ».
Lorsqu’il faut trouver quelqu’un pour porter la préfiguration du Musée, son directeur d’alors, Ali Saïd Attoumani le met en avant, « je n’avais pas confiance en moi ». S’enchaine l’assistance à maitrise d’ouvrage, le 2ème Projet scientifique et culturel, « te beaucoup de formation, avec stage d’immersion notamment au Musée d’Aquitaine et au Musée du Quai Branly ».
Désormais, le Muma compte une collection de 2.000 objets, l’agencement des salles vient d’être revu, un bon bout de chemin a été fait, « j’ai été très ému par cette décoration, mais je ne fais que mon boulot ».
Il a déjà en tête la future thématique, « ce sera sans doute sur la bijouterie en septembre ». Le Muma est désormais mieux connecté au monde scolaire, « l’agenda est plein », et le prochain samedi du Muma se prépare pour le 27 avril.
Venez redécouvrir le minbar de la mosquée du vendredi de Kawéni, et laisser vous gagner deux salles plus loin par le grand bleu.
Anne Perzo-Lafond