Reptiles, une conférence pour serpenter entre les idées reçues

Françoise Serre-Collet est « une pointure » du petit monde de l'herpétologie française selon Michel Cherpentier des Naturalistes. Elle présente ce jeudi une conférence inédite à Mayotte sur les reptiles et les idées reçues. Pétillante et passionnée, elle part des mythes bien ancrés pour les déconstruire en beauté.

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Françoise Serre-Collet tord le cou aux idées reçues sur les reptiles, sa spécialité au muséum national d'histoire naturelle

« Vous avez remis cent balles dans l’bourrin ! » s’esclaffe son mari alors que la scientifique commence à répondre à une de nos questions, avec au moins un éclat de rire par phrase. C’est qu’une fois lancée, Françoise Serre-Collet, herpétologue de profession au Museum national d’histoire naturelle ne s’arrête plus. Mieux, elle tient son public en haleine et inocule sa passion aussi sûrement qu’un cobra inocule son venin. Oh attendez. « Le cobra est venimeux, mais sa morsure ne l’est pas forcément, c’est lui qui choisit » corrige la scientifique qui a déjà reçu une « morsure sèche », sans venin donc. Première idée reçue démontée en direct.
Autre idée reçue, l’herpétologie ne concerne pas que les serpents, mais aussi tous les reptiles, et les amphibiens. C’est dire l’enthousiasme de notre conférencière, venue en vacances à Mayotte, face aux tortues marines, geckos, scinques et autres serpents de l’île, notamment la couleuvre des cocotiers et la couleuvre de Mayotte. Cette dernière n’existe qu’à Mayotte, et même ici, « elle est plus rare que le panda ne l’est en Chine, alerte la scientifique. « Venir en vacances et rencontrer deux espèces endémiques, c’est une chance formidable ! »
Un nouvel éclat de rire vient renforcer l’enthousiasme partagé autour de la table, dans le local des Naturalistes où l’herpétologue présentait le contenu de sa conférence à la presse.
« Si on veut faire de la protection de la nature, c’est en faisant de la sensibilisation au grand public » explique-t-elle, « surtout avec des espèces aussi mal aimées que les serpents ».

Non, la langue fourchue n’injecte pas de venin, c’est un organe de perception tout à fait inoffensif.

C’est qu’à Mayotte, les couleuvres, espèces parfaitement inoffensives pour l’homme, mais bien utile pour chasser les nuisibles, sont victimes des idées reçues. D’aucuns disent même qu’ils sauraient voler, nous apprend Françoise Serre-Collet.
Non les serpents de Mayotte ne volent pas, et ne mordent pas. « Ce sont des animaux qui stressent facilement, ce sont d’abord des trouillards. Les deux espèces de Mayotte ne mordent pas, et ne sont pas du tout agressives. Leur première réaction, c’est la fuite. La couleuvre de Mayotte joue sur l’homochromie, le camouflage, pour se fondre dans l’environnement et se camoufler. »

Moins dangereux qu’un chien 

Et de rappeler une statistique utile, en métropole, malgré la présence de vipères venimeuses et de particuliers possédant des serpents exotiques, « les morsures font moins d’un mort par an en moyenne ». Moins que les chiens.
La conférence de jeudi devrait donc se construire sur le même modèle que le livre édité par la scientifique intitulé « 50 idées fausses sur les serpents ». « J’en avais marre de n’entendre que des bêtises sur ces bêtes-là, qui hypnotisent leurs proies, tètent les vaches, etc. Je suis partie des croyances pour leur tordre le cou de manière scientifique. »
Outre les deux espèces endémiques, un troisième serpent existe à Mayotte, le typhlops, ou serpent des pots de fleurs. A peine plus grand qu’une allumette, ce minuscule reptile ressemble à s’y méprendre à un lombric. Surnommé « serpent minute », il a la vilaine réputation de tuer en quelques secondes. Pourtant « il n’a pas de venin ! » s’étrangle Françoise Serre Collet qui veut rendre justice à ce minuscule serpent fouisseur.
Et dans l’eau ? Il existe divers poissons et holothuries qui ressemblent à s’y méprendre à des serpents, mais qui n’en sont pas. Selon Françoise Serre-Collet, une seule observation avérée de serpent marin a été faite à Mayotte, c’était un serpent pélagique (du large) qui nageait avec un groupe de dauphins.
Une dernière info scientifique sur les serpents de Mayotte ? « Chacune des trois espèces a un mode de reproduction différent ». Le minuscule typhlops se reproduit par parthénogenèse, une sorte de clonage que pratiquent les femelles. La couleuvre de Mayotte est ovipare, elle pond des œufs qui éclosent suite. Celle des cocotiers est quant à elle vivipare, elle couve dans son ventre.
Une « super précision » à laquelle tient la conférencière, « tous les reptiles de Mayotte comme de métropole sont protégés, on n’a pas le droit de les tuer et ils ont leur utilité dans la chaîne alimentaire ! »
Pour plus d’idées reçues, sur les crochets à venin, les cobras qui dansent, mais surtout sur les espèces de France métropolitaine et d’outre-mer, c’est jeudi soir au café naturaliste au restaurant La Croisette, à Mamoudzou.

Y.D.

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