Quinze ans après les faits, la justice a reconnu un homme coupable d’avoir agressé sexuellement sa belle-soeur quand celle-ci était mineure. Si les faits datent de 2004 à 2006, ce n’est qu’en 2010 qu’un signalement a mis en route la machine judiciaire. Une lourde instruction a alors été ouverte, menant à la mise en examen avec contrôle judiciaire du prévenu en 2014. Entre-temps, les accusations de viol -la victime parle de plusieurs pénétrations anales et vaginales avec violences et menaces – ont été requalifiées en agressions sexuelles. En cause, le délai et l’absence de certificat médical permettant de prouver qu’il y a bien eu pénétration.
C’est pourquoi ces faits sont arrivés devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou et non aux Assises.
Selon la victime, les faits ont eu lieu au domicile du prévenu, à Saint-Louis de La Réunion, lorsque ce dernier y résidait. Il venait alors d’apprendre qu’il avait des demis frères et soeurs et les recevait le week-end chez lui. Seuls selon eux. Accompagnés de leur mère selon lui. Si ce dernier nie toute agression sexuelle, et plaide le complot familial, la victime apporte dans ses auditions des témoignages précis, circonstanciés, et, à part quelques contradictions d’ordre chronologiques, des souvenirs constants. Le prévenu quant à lui « a peu de souvenirs » et « des déclarations variables qui questionnent sa crédibilité » selon le parquet. La substitut Chloé Chérel déplore le manque d’éléments matériels et estime que c’est parole contre parole. Elle note toutefois les rapports d’expertises psychologiques. Celui de la jeune fille, décrite comme influençable, souffrant de troubles post-traumatiques et d’une difficulté à différencier tendresse et sexualité. Et celui du prévenu, « dans le contrôle », présentant « une immaturité affective ». Par trois fois les juges ont essayé de tester sa capacité à se mettre à la place d’une victime. Questionné sur sa vision des agressions sexuelles en général, il s’en tient à une vision purement administrative. « Personne ne peut accepter des violences, si j’en ai connaissance, je dois faire un signalement ». « Pourquoi c’est grave ? insiste un assesseur. « Parce que c’est interdit par la loi » répond l’homme à la barre. Interrogé sur son ressenti personnel, face à de tels faits et en particulier sur les faits de nature sexuelle, il ne répond pas.
De quoi semer l’inquiétude chez les magistrats. D’autant qu’il a déjà été condamné deux fois pour violences, dont une fois sur sa fille. Plus inquiétant encore, une infirmière a affirmé qu’il entretenait dans l’établissement scolaire où il officie comme CPE « un rapport de séduction » avec les élèves. Un témoignage que le prévenu dit ne pas comprendre.
Son avocat Ben Ali Ahmed, venu de Saint-Denis, estime que les accusations « ne tiennent pas la route, où est la vérité ? » Il réclame la relaxe au bénéfice du doute. Pour lui, « les faits ne sont pas constitués ».
Autant d’éléments qui ont amené le tribunal à s’éloigner des réquisitions du parquet. Là où la substitut avait requis 4 ans de prison avec sursis, et interdiction de travailler avec des mineurs, les juges ont prononcé 20 mois ferme, mais aménageables, avec inscription au casier judiciaire. Une condamnation qui pourrait lui coûter sa carrière de CPE, même si une telle mesure administrative n’a aucun caractère automatique. D’autant que le condamné a 10 jour pour faire appel, et reste présumé innocent jusqu’alors.
Y.D.