En raison d’un agenda annoncé comme « trop chargé », le président Emmanuel Macron avait décalé sa visite prévue en juin au mois de septembre, « voire octobre », apprend-on. Une visite qui se prépare, pour preuve la rencontre ce 14 mai entre Stanislas Cazelles, le conseiller outre-mer du président de la République, et Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président du conseil départemental, « dans le cadre des évolutions du secteur, il a souhaité rencontrer l’élu en charge de l’Action sociale dans la perspective de l’arrivée du président de la République », nous explique d’emblée l’élu mahorais, qui y voit « une forme de reconnaissance de l’action engagée. »
La première question posée par le présidentiel conseiller, portait sur les raisons qui poussent les Mahorais à quitter leur île. Charité bien ordonnée, Issa Abdou commençait par donner une explication liée au social : « Tant qu’il n’y aura pas convergence des droits, notamment du RSA, les familles continueront à partir pour La Réunion ou la métropole. » Chacun cherche sa solution, « à l’image des médecins qui cotisent à la sécurité sociale de La Réunion, la Caisse de sécurité sociale de Mayotte n’ayant pas intégré le régime général ». Pour les autres, ce seront des maigres retraites, à la hauteur des cotisations à minima. Sur le thème du dialogue social dans le cadre de la nouvelle loi de réforme de la fonction publique, la visite de Dominique Bussereau, président de l’Association des départements de France, est annoncée avant la fin de l’année.
Un argument social qui ne doit pas cacher le problème sociétal d’attractivité du territoire, poursuivait l’élu, « la sécurité, le niveau de l’Education nationale, le manque de médecin, sont les trois arguments majeurs qui font que les Mahorais ne s’y retrouvent pas. » La rémunération aussi, « il faut savoir conserver les compétences. »
Il a donc détaillé son idée de créer un parcours de fidélisation, « en identifiant les besoins de l’île à 50 ans, en partenariat avec le vice-rectorat. En fonction du prévisionnel, on financerait la formation des mécanos, des boulangers, des médecins ou des infirmiers, en leur demandant de s’engager à revenir sur l’île ensuite. »
Harpie toujours d’actualité
Le sujet de la piste longue a été évoqué, et on peut concrètement espérer une annonce du président. Même si le ministre Castaner lors de son passage déplorait qu’aucune étude d’impact n’ait été menée sur l’arrivée potentielle de nouvelles compagnies aériennes.
Sur l’évolution institutionnelle vers un vrai Département-Région, « il faut y aller ! », aura répondu Stanislas Cazelles qui appelle avant tout à « un travail de consensus sur place ».
En matière d’immigration clandestine, l’effort du gouvernement en terme de moyens humains et matériel a été constaté de part et d’autre, mais demande à être amplifié, « la question sape tout, fait remarquer l’élu mahorais, le médical, l’éducation », aboutissant à un consensus entre les deux hommes d’une nécessaire montée en gamme. Un duplicata de l’opération guyanaise Harpie de surveillance des côtes par l’armée, annoncée par le président Macron, semble être toujours d’actualité.
Les titres de séjour « made in Mayotte », comme les nomme Issa Abdou, parce qu’ils interdisent toute sortie du territoire, ainsi que le maintien ici de mineurs dit « isolés », qui restent jusqu’à leur majorité dans les familles d’accueil, participent au « trop plein », « nous ne pourrons pas repousser nos côtes ! » La réponse parisienne ne varie pas, et la crainte d’un appel d’air que constituerait la possibilité de titres de séjour ouverts vers l’extérieur. « Je lui ai fait remarquer que le conseil départemental avait joué sa partition en s’occupant de ces mineurs, sans craindre ledit appel d’air. »
Être « imaginatif » pour s’adapter à Mayotte
Si changement il y a de la vision parisienne, c’est sur le regard porté sur la situation : « Avec l’évolution du droit du sol de Thani qu’il approuve, ils ont compris que cela n’avait pas de rapport avec un sentiment de racisme, juste une réalité à laquelle il faut s’adapter sur un petit territoire dont la moitié de la population est étrangère. »
Et plus aucun quiproquo pour Issa Abdou sur la fameuse apostrophe des débuts du président Macron, qui depuis la Guyane interrogeait, « êtes vous plus heureux en étant département ? » : « Stanislas Cazelles a insisté, ‘il n’y a aucun débat sur le fait que vous restiez un territoire français. Mais ce n’est pas un territoire comme les autres. Il faut être imaginatif pour ce département’ ». Pour trouver les solutions adaptées au problème de niveau scolaire, il a été envisagé de proposer de ne plus accueillir les enfants en cours d’année qui ne maitrisent peu ou pas le français, « c’est nuisible pour le niveau de la classe et pour le jeune lui-même. »
En matière de coopération régionale, l’élu a souligné à son interlocuteur le décalage entre la vision parisienne, « qui voit dans la coopération la possibilité de fixer les gens sur leur île », et la vision sur place, « l’hôpital flambant neuf à Anjouan n’a pas suffit. Il y aura toujours des recherches de meilleures conditions de vie ou d’éducation. »
Une rencontre « bénéfique », selon Issa Abdou, qui vante des discussions franches et sérieuses, « il n’y a pas eu de tabou, et Stanislas Cazelles a pris beaucoup de notes ».
Anne Perzo-Lafond