Malgré la mise en place de tout un tas d’infrastructures, des TriO qui se multiplient en QuadriO, camions BOM tout neufs, subventions européennes, la population a la désagréable impression que les déchets restent toujours stockés sur la chaussée, et que personne ne leur prête ni oreille, ni nez, attentifs. Une catastrophe sanitaire pour touristes et résidents.
Nous avons donc rencontré Jean-Luc Delmas, Directeur général de STAR Mayotte, filiale de Suez Environnement, qui gère la collecte des déchets ménagers sur le Grand-Mamoudzou. Le reste de l’île est servie par le SIDEVAM 976, le Syndicat Intercommunal d’Elimination et de Valorisation des Déchets Ménagers. Ce dernier reste très controversé par beaucoup de communes qui menacent périodiquement de s’en retirer, lui reprochant une collecte déficiente. Dzaoudzi Labattoir avec le président de l’association des maires, a été leader de la contestation.
Un léger mieux avait été noté, sur la période de l’ex DGS Denis Chopin (parti pour la mairie de Mamoudzou), mais gestion et état du parc des véhicules, sont de nouveau dénoncés. Son remplacement par Cyrille Hamilcaro, ancien maire de Saint Louis de la Réunion avait été controversé à Mayotte, en raison des déboires judiciaires notamment pour recel d’escroquerie et prise illégale d’intérêt, ce dont s’étaient émus nos confrères de Mayotte la 1ère.
« Ils n’ont plus de camion BOM, de Benne à Ordures Ménagères », constate Jean-Luc Delmas qui fait état d’un retour aux petits camions plateau, dont on s’était empressé d’oublier l’existence. Un manque d’entretien de ces camions BOM aux câbles électriques grignotés par les rats, et à l’électronique à maitriser, serait en cause. Face à ces insuffisances, le SIDEVAM a fait appel aux sociétés MAP et Enzo, une sous-traitance qui resterait en dessous de la capacité horaire de ramassage de la Star, soit 1,8 tonne par heure, contre 3,6 tonnes par heure.
« L’incivilité des commerçants » en cause
Autre point de blocage, celui de l’acheminement des déchets depuis les 4 quais de transfert où ils sont triés, à Hamaha, Badamiers, Malamani et Kahani. « Celui des Badamiers est sous-dimensionnés, nous obligeant à effectuer plusieurs passages. C’est à dire deux par jour, voire trois en période de fête, comme le Ramadan. Or, les pannes des amphidromes nous ramènent à un passage par jour vers Grande Terre. Quant aux nouveaux, nous ne pouvons les emprunter, trop étroits ! La solution serait que le STM nous donne la même priorité que les ambulances, surtout que nous avons souvent des déchets médicaux à bord des camions, que nous devons traiter sur notre site à Longoni. »
Aux Hauts Vallons, l’amoncellement des déchets est inquiétant, mêlant machines à laver, déchets verts, cartons et déchets ménagers. Un conglomérat que ne peut traiter une seule et même structure, en raison des destinées différentes de ces types de déchets. La STAR n’est pas responsable du ramassage aux Hauts-Vallons, la Communauté d’agglo CADEMA, ayant délégué au SIDEVAM, pour les ordures ménagères dans les bacs, et à Enzo recyclage, pour les encombrants ». Mais aucun ne veut prendre en charge cet amas difforme de déchets de tous horizons, le SIDEVAM refusant de ramasser les déchets à terre, sous prétexte que cela relève de la propreté, donc de la commune.
Jean-Luc Delmas pointe les responsables : « Ces tas d’ordures sont provoqués par l’incivilité des commerçants qui ne veulent pas payer le tri en quai de transfert et balancent tout sur place. Il suffirait que les municipalités demandent aux entreprises, aux commerçants, aux artisans et aux établissements publics leur Certificat de destruction. C’est la loi pour la Transition énergétique qui le dit. Cela se traduit par une taxe payée par ces acteurs pour que la mairie collecte leurs déchets. Sans quoi, les poubelles sont remplies à 35% de déchets recyclables, une charge supplémentaire d’enlèvement pour les communes. »
« Mais que fait la police ?! »
Beaucoup d’hôtels et de restaurants ne pratiqueraient aucun tri, nous indique-t-il, photo à l’appui, « que fait la police environnementale ?! » Et l’ISDND* se remplit beaucoup plus vite que prévu, « si cela continue à ce rythme, il faudra incinérer les déchets, un coût 7 fois supérieur au traitement actuel ». Seules des entreprises comme Colas, Tetrama, Vinci, Sodifram, Bourbon distribution, EDM, Total et désormais Somaco et les PMI du Département, ont signé une convention avec la municipalité. « Mais où partent les huiles de vidange du STM ? Les pots des entreprises du bâtiment ? Des déchets des collectivités ? »
Il appelle la commune de Mamoudzou à mettre en place des points de collecte dans les quartiers d’habitats informels, sous peine d’avoir des déchets transportés ensuite par les eaux de pluie. Et également à Kawéni, devant la DEAL, un pâturage de déchets attire les chèvres qui viennent y brouter, « la mairie refuse toujours de créer sur cette zone, un point de collecte. »
La dernière grande avancée, c’est l’arrivée en fin d’année dernière d’une nouvelle borne de tri des cartons et du papier, mise en place par Cito et la STAR. Pour faciliter la démarche des usagers, plastiques et canettes sont désormais recueillis dans une seule et même borne. Les TriO devenus « QuadriO », n’ont pas la même cote partout, puisque s’ils sont régulièrement pleins aux Hauts-Vallons et en Petite Terre, au nord de l’île et au sud, ce n’est pas encore le cas : « Alors que nous avions prévu de récolter 15kg de déchets par habitant avec es bornes, nous n’en sommes qu’à 3kg. En métropole, le volume grimpe à 75kg par an et par habitants. » Des bornes qui sont souvent pleines, en particulier les cartons, « nous n’avons pas encore beaucoup de recul sur ce déchet, et il faut qu’un ensemble de bornes soient remplies pour collecter. »
Une mini-déchetterie mobile
En dehors des petits formats de recyclable, il n’y a toujours pas de déchetteries à Mayotte, pourtant annoncées à plusieurs reprises. Ces grands bacs de collecte n’ont été mis en place qu’à Sada, par la volonté de sa maire Anchya Bamana, et en totale illégalité, puisque ces structures sont de la compétence encore une fois du SIDEVAM. « Nous avons proposé une mini-déchetterie mobile, qui se déplacerait sur l’ensemble de l’île selon un calendrier précis, mais nous n’avons pas eu de réponse », nous apprend Jean-Luc Delmas. Un dispositif qui fonctionne en métropole, « financé là-bas par les intercommunalités, donc par le SIDEVAM ici, puisqu’elles ont délégué. » Doté d’une rampe et de bennes, la mini-déchetterie est en attente à la Réunion, « il suffit de 15 jours pour la faire venir. »
Nous avons visité le site Ecopôle de la SMART en Vallée III à Longoni. Une sorte de pallier intermédiaire pour les déchets, comme les plastique et canettes, compactés en ballots, puis revendus en fonctions des cours de matières premières. Y sont stockés les huiles de vidange, et les déchets médicaux (DASRI) qui sont rendus inertes sur place, avant d’être acheminés à l’étape finale de l’ISNDN.
Anne Perzo-Lafond
* L’Installation de stockage de déchets non dangereux de Dzoumogné accueille les déchets non recyclables, en fin de parcours
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