Amélioration des finances communales : elles sont 14 sur 17 à avoir dégagé de l’épargne

Aborder l’état des finances des communes c’est évoquer directement ou indirectement la fiscalité, donc notre portefeuille. Nous nous portons mieux quand elles dégagent un excédent, c’est à dire qu’elles ont assez d’épargne pour emprunter ou pour cofinancer des projets. Si leur gestion est en cause, la réglementation nationale impacte aussi fortement.

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Kévin Cariou brossait le portrait du bloc communal

Sur la période 2014-2017 étudiée par l’Agence Française de Développement (AFD) dans le cadre du 2ème Observatoire des communes, ont émergé les premières intercommunalités, et avec elles, des transferts de recettes fiscales. « L’objectif n’est pas de se poser en donneur de leçons, mais de comparer les indices des collectivités de Mayotte avec ceux des autres DOM et de métropole, pour les accompagner au mieux », explique Kévin Cariou, Directeur adjoint de l’AFD Mayotte. L’Agence a engagé 50 appuis-conseils aux collectivités mahoraises sur la période, pour un montant de 4,5 millions d’euros, et a signé pour 350 millions d’euros de prêts depuis 2009.

Quelque soit le poste que l’on observe, un vent nouveau souffle sur les données. Les recettes des communes ? Elles se sont accrues de 16% en 4 ans (c’est beaucoup !). Portées par la fiscalité locale (les impôts fonciers) +22%, et l’octroi de mer, +30%, dont une partie a été transféré du Conseil départemental, et si de fait la part des dotations Etat est réduite, elle s’accroit en volume de 7%. Un profil de recettes sur lesquelles elles ne peuvent toutefois pas agir (l’octroi de mer est fonction des importations, par exemple), produisant un ratio d’autonomie de 45%, contre 70% en métropole. Pas terrible.

Lorsqu’elles se sont regroupées en communauté de communes, cette dernière a récupéré les recettes de la Contribution Foncière des entreprises (CFE), elles ont conservé les taxes d’habitation, et de foncier bâti et non bâti. « Malgré cette perte sur la CFE, leurs recettes se sont maintenues grâce à l’amélioration de l’adressage (qui a permis l’élargissement de l’assiette fiscale, ndlr) et à l’augmentation des taux d’imposition ».

Les dépenses, elles, ont flambé, +23%, donc dans une proportion plus importante que la hausse des recettes (16%). Il s’agit des charges de personnel, plombées par l’indexation de 40% sur les salaires. « Le ratio de rigidité est ainsi passé d’un taux acceptable de 56% en 2014, faisant de Mayotte une des bonnes élèves du pays, à 65%, la mettant en queue de peloton. »

Déplacement progressif du curseur des urgences

Maires et DGS présents à l’Observatoire de l’AFD

Cet effet ciseau de dépenses incompressibles s’accroissant plus vite que des recettes sur lesquelles les collectivités n’ont que peu d’emprise, n’est pas rassurant, et impacte sur une épargne, en hausse certes sur la période, + 3,7 millions d’euros, mais « fragilisée ».

Elles parviennent malgré tout à avoir davantage recours à l’emprunt, les besoins en investissement étant nombreux : rattrapage en infrastructures, répondre aux besoins d’une population en forte croissance, et, selon l’AFD, dans un contexte « d’urgence climatique », nous valant un bon mot de son directeur Yves Rajat, « nous sommes passés de l’urgence des fins de mois à l’urgence climatique ». Une évolution des priorités à souligner dans certaines communes, mais qui n’est pas toujours flagrante chez une population vivant à 84% sous le seuil de pauvreté selon les standards métropolitains, en particularité pour ceux qui touchent de maigres retraites.

C’est ainsi qu’il faut regarder de prés ce chiffre de 50% d’augmentation de la fiscalité directe locale sur l’ensemble du bloc communes-interco. Chanoor Cassam, DGS de l’intercommunalité Sud, donne sa position : « La hausse de la fiscalité n’est pas une fatalité ! Elle s’est considérablement accrue parce que deux intercommunalités ont émergé tard, et n’ont pas bénéficié des ressources qui correspondaient aux charges qu’elles avaient à payer, notamment auprès des syndicats intercommunaux. Mais nous sommes en train de mettre en place un Pacte fiscal et financier, pour regarder comment partager au mieux la ressource entre communes, et des schémas de mutualisation pour faire bénéficier au plus grand nombre des ressources humaines quand elles sont là. Il s’agit de rentabiliser l’ingénierie ».

Intercommunalités géantes pour un petit territoire

Aux côtés d’Yves Rajat, Saïd Omar Oili inquiet du niveau des compensations à venir

Mais les communes n’ont pas fini d’en voir de toutes les couleurs avec les évolutions législatives, comme s’en inquiétait une énième fois le président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), Saïd Omar Oili : « Par quoi sera remplacée l’octroi de mer dont on nous annonce la disparition probable pour 2020 ? Et même si la suppression de la taxe d’habitation est compensée, elle le sera sur quelle base ? A Mamoudzou, il y a 15.000 contribuables pour 77.000 habitants, ce n’est pas tenable. »

A sa demande, l’économiste Philippe Nikonoff avait produit un rapport à ce sujet,  mettant le doigt sur une sous-évaluation du nombre d’habitations, et surtout, des contribuables non imposables, « estimés à 21% au lieu de 80% » plus proche de la réalité. Or, c’est une obligation, l’Etat doit compenser leur absence de contribution. La compensation attendue serait comprise, pour Petite Terre, entre 1,4 million d’euros et 3,2 millions d’euros.

Philosophiquement, la notion même d’intercommunalité était d’ailleurs remise en cause ce mardi, « un grand ensemble trop éloigné de la réalité des petites communes, et qui peut générer des tensions quand il est composé de 4 communes ayant chacune des besoins criants en équipements sportifs ou autres », analysait encore le président de l’AMM.

En conclusion, la fiscalité foncière aura malgré le poids de l’indexation, donné du baume au cœur des communes, puisqu’elles ne sont plus que 6 à avoir vu leur budget réglé par la Chambre régionale des comptes, dont 3 sont sorties d’affaire. Pas de cocorico pour autant dans leurs rangs !

Anne Perzo-Lafond

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