Saïd Hachim : « beaucoup d’émotion » sur le Marion-Dufresne

Le géographe mahorais Saïd Hachim a pu monter à bord du Marion Dufresne et participer à une mission de deux jours. Il raconte son travail à bord et l'ambiance à l'approche du plus jeune volcan de la planète.

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De nombreux cônes plus anciens permettaient de supposer de longue date la thèse d'une activité volcanique qui perdure à Mayotte

Saïd Hachim est géographe au Conseil départemental de Mayotte. Sa participation à la mission MayObs 3 le week-end dernier revêtait plusieurs enjeux. Il dépeint aussi l’émotion palpable sur la navire, devant ce phénomène « merveilleux » qu’est le nouveau volcan.

Le JDM :

Vous avez passé deux jours en mission sur le Marion-Dufresne, quel était l’enjeu de cette mission et pourquoi on n’a pas encore de résultats scientifiques ?

« On a collecté les sismomètres marins, ensuite il fallait récupérer les données et les faire parler. Cela prend du temps. Deuxième chose, on a fait de l’imagerie. Là aussi il faut un temps de traitement. Il faut enlever les erreurs de bruit, de tracé, ça nécessite plus de ressources, de gens, et de temps pour ne pas faire de fausse interprétation. Il faut enfin comparer avec les missions précédentes. »

Des voix s’élevaient pour que vous puissiez participer aux recherches sur le nouveau volcan, Etait-il important d’avoir un Mahorais à bord ?

« Le fait d’avoir un Mahorais sur la mission n’a qu’un intérêt : on a une population qui ne comprend pas toujours le français et l’univers scientifique. Il était essentiel qu’une personne qui a la même langue et les mêmes codes puisse expliquer et interpréter cet univers. De même sur le Marion-Dufresne, il y a beaucoup de Malgaches, on s’est tout de suite entendus. Quand des roches chaudes ont été remontées, il y a eu de l’enthousiasme chez les scientifiques et de la peur chez l’équipage, la peur est partout où on ne connaît pas, elle vient du manque de connaissances. Comme je comprends un peu le Malgache, j’ai pu être une interface entre les scientifiques et l’équipage. J’ai d’ailleurs gardé contact avec plusieurs marins. »

Quel est le rôle d’un géographe sur ce type de mission ?

« Le géographe met en relation les gens avec leur environnement. »

« Le géographe, c’est celui qui, depuis la Grèce antique, essaye de décrire la Terre. Son outil c’est la carte. Mon métier, avec les cartes, c’est de décrire les risques naturels. J’ai notamment travaillé avec le BRGM sur l’Atlas des risques. Je suis sur le sujet depuis que le Pr Thomassin a idendifié le glissement de terrain de Petite Terre et que l’imagerie nous a mis sur la piste de volcans vers l’est. En tant que géographe donc, mon rôle essentiel est de faire une cartographie de la zone dans le temps et dans l’espace, puis d’expliquer aux gens la relation entre cet espace et leur milieu. Le géographe met en relation les gens avec leur environnement. »

Comment s’est passée la vie à bord ?

« La mission s’est très bien passée. j’ai été intégré dans l’équipage, je savais ce que je devais faire, j’avais accès aux données. J’ai assuré ce qu’on appelle un quart. De 20 heures à minuit je devrais surveiller les écrans de contrôle et relever tous les quarts d’heure les éléments des écrans : vitesse du bateau, position, salinité de l’eau, profondeur etc. j’ai observé comment on relève les sismomètres et posé des questions sur leur traitement. »

Vous n’avez pas fait que relever les sismomètres, le navire est passé au dessus du volcan, comment avez-vous vécu ce moment ?

Voici le volcan tel qu’il a été observé il y a quelques jours.

« Ce qui m’intéressait aussi en effet, c’était l’imagerie au sondeur multi-faisceau, ça me tenait en haleine depuis des années. J’avais fini mon quart à minuit et on devait passer au dessus du volcan à 2 heures, j’ai demandé à ce qu’on me réveille. Il faut imaginer, le navire avance doucement, à 7 nœuds, vers le volcan. C’était comme si j’étais en train de le gravir progressivement. A deux heures, on est tous devant les écrans, personne ne dort, c’est le silence. Il y a beaucoup d’émotion. Le fait de voir se dessiner ce volcan, c’est quelque chose ! »

Plutôt que d’en avoir peur, vous prônez plutôt l’émerveillement, pourquoi ?

« Depuis des mois j’explique aux gens que ce qui arrive à Mayotte est extraordinaire. Les montagnes ont toujours été là, mais on n’a jamais assisté à la naissance d’un volcan. C’est une réelle bénédiction d’être sur cette île de 8 millions d’années, et d’assister à cette naissance, de voir la Terre qui vit. L’humanité n’était pas encore là quand l’île de Mayotte a été créée, c’est ça qui est merveilleux. »

Propos recueillis par Y.D.

5 Commentaires

  1. Assister à la « naissance » d’un Monde, devant « sa porte » … Quelle émotion ! Vu les temps géologiques , beaucoup d’entre nous ne seront plus là quand il émergera … Mais les jeunes générations « en prendront plein les yeux » ! L’est pas belle la vie ! A nous de préparer le terrain : un phénomène aussi exceptionnel va attirer beaucoup … Beaucoup de monde !

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