Neetwork, c’est un mix entre « Neither in education, employement, or training » (ni scolarisé, ni employé) et le travail en réseau, ‘network’. Ce projet, retenu parmi 14 autres nationaux au titre du fonds européen IEJ (Initiative Emploi Jeunes), avait été présenté à la presse il y a quelques mois. Il s’agissait donc un point d’étape, on le devine, prometteur. D’ailleurs, le sénateur Thani Mohamed Soilihi présent à ce point d’étape, ne s’y est pas trompé, « ça respire la bonne initiative ! »
Pendant 6 semaines, 8 jeunes vivent ensemble dans une villa à Hajangua, avec cuisine, lessive et entretien au programme des tâches domestiques, lorsqu’ils ne sont pas en formation de remise à niveau pendant deux semaines, entrecoupées par 15 jours de stage en entreprise. La suite se passe dès la semaine prochaine à Madagascar, grâce à une convention signée notamment avec la CMA de Diego, pour une formation dans des métiers inexistants à Mayotte, « dans un chantier naval, dans l’hydraulique, etc. », explique Jean-Denis Larroze, Secrétaire général de la CMA. Qui les prévient, « l’environnement est moins favorisé qu’à Mayotte. Faut s’accrocher dans la vie ! »
« Quand on tourne en rond, on finit par mal tourner »…
S’accrocher, les 7 jeunes présents (une fille a décroché pour problème personnel), savent désormais ce que c’est. Les profils sont variés, mais ont quasiment tous en commun un décrochage scolaire, débouchant sur l’oisiveté, « quand on tourne en rond, on finit par mal tourner », résume dans une jolie figure de style François Gibert, responsable du Pôle Formation à la CMA. C’est lui qui a parcouru foyer des jeunes à Bouéni, Mission locale, lycée de Chirongui, pour « vendre » l’idée du dispositif Neetwork auprès des jeunes décrocheurs. Et aucun de ceux qui ont répondu présent ne le regrette.
« J’ai arrêté l’école en 3ème à Kani Keli, explique Djanffar qui a suivi une formation au RSMA en agent de sécurité. Après 4 semaines de présence, il a déjà reçu 2 offres d’emploi. « Nous espérons qu’un contrat sera signé le 6 septembres ». La seule fille du groupe, Ramata, est dans le même cas d’un décrochage scolaire en 3ème, avec une offre de contrat d’apprentissage de serveuse au Camion blanc. Un travail est mené conjointement avec les familles.
Après avoir terminé son CM2 aux Comores, Habibi, 17 ans, voulait se faire une place sur les bancs des écoles à Mayotte, « mais il n’y avait pas de place. » Il accepte de relever le challenge, et François Gibert se souvient de son arrivée, « il m’a dit ‘je ne connais rien, je veux tout découvrir’. A son 2ème jour de stage chez MMC, il avait déjà la tête dans les moteurs de voitures. »
Des « rythmes sociaux » à acquérir
Intégrer une telle organisation tirée au cordeau n’a rien d’évident, et certains avaient du mal avec les horaires, « il faut impérativement se lever à 5h, pour attraper le bus de 7 h, déjeuner à 11 h30, pour se coucher le soir à 21h. Et sans télé, sans téléphone et sans internet. Des rythmes sociaux que quelques uns avaient du mal à tenir, mais qu’il faut adopter dans le monde du travail », résume Jean-Denis Larroze. « Vous allez porter l’image de Mayotte, qui ne se résume pas seulement aux faits divers », les encourageait Thani Mohamed.
Cependant, les fonds européens, l’IEJ en particulier, ne sont qu’un amorçage. Et si on veut multiplier cette opération, il va falloir trouver d’autres modes de financement. « L’IEJ finance quatre sessions, dont deux en 2019 et deux en 2020 », explique Jean-Denis Larroze, soit une trentaine de jeunes au total à Mayotte. Pour chaque formation, six semaines sont prévues, « insuffisant pour trouver un éducateur spécialisé qui s’engage sur une aussi courte période. » Il invite donc les collectivités, les mairies et le conseil départemental à s’engager dans le même dispositif, et à le financer, pour parvenir par exemple à des contrats pluriannuels, plus attractifs. » Ainsi, le nombre de jeunes formés pourra être multipliés par autant de collectivités participantes.
En matière de formation, la CMA et la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) vont unir leurs forces et créer dès septembre un guichet unique d’accueil, avant de mettre en place un grand Centre interconsulaire de formation d’ici la fin de l’année.
Anne Perzo-Lafond