A peine l’usager pose le pied dans l’enceinte des nouveaux locaux de la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte (CSSM), que ses pas sont tout tracés. « Qu’il soit allocataire, retraité ou assuré, le bénéficiaire n’a qu’à suivre l’itinéraire. Qu’il veuille mettre à jour ses données, ou obtenir une attestation, il lui suffit de se connecter sur un des ordinateurs mis à disposition, et de cliquer sur ameli.fr, caf.fr, msa.fr, lassurance retraite.fr ou urssaf.fr, et du personnel est à disposition pour l’aider », informe Zaïdani Harouna, Responsable des relations avec le public à la CSSM.
Si le bénéficiaire n’a pas eu de réponse à ses questions, le traditionnel ticket numéroté lui permettra d’accéder à un des 7 guichets. Pendant le temps d’attente, un grand écran diffuse des informations, des messages de prévention ou de conseil. Si enfin, le problème est particulier, un rendez-vous sera pris, « il est aussi possible de le prendre depuis chez soi par internet. »
C’est une sécu moderne dont Mayotte vient de se doter, aux installations qui ne ressemble pas à l’à-peu-prés que l’on a trop tendance à servir ici. S’étalant sur les trois bâtiments du centre Kinga, la CSSM est le plus gros propriétaire, un investissement de 23 millions d’euros, pour 6.400 m2 de surface, dont 1.100m2 destinés à l’accueil du public. Et construit selon les normes antisismiques alors que le phénomène actuel n’était pas encore déclaré à l’époque du lancement du projet.
Une révolution pour la Caisse dont les services étaient éparpillés sur 10 sites auparavant. « Nous avons recentré nos 293 salariés, avec de meilleures conditions de travail, une vraie cafétéria, et une crèche d’ici quelques mois, ouverte aux salariés, mais aussi aux bénéficiaires, pas seulement aux personnes les plus aisées », explique Ymane Chanfi, directrice de la Caisse.
Prés de 400 millions d’euros de prestations
Son extension géographique colle à sa réalité toute particulière à Mayotte. Cette mégastructure comparée à ses sœurs métropolitaines, gère en effet les classiques recouvrements des cotisations sociales, assurances maladie et risque professionnels, mais a aussi intégré en 2015 la branche allocations familiales, une CAF qui reste une structure à part en métropole. « Certains départements commencent à opérer le rapprochement », nous indique Aurélie Jaulin, Sous-directrice prestations, relations clients, action sociale et santé au travail. Elle fait également office de Caisse d’assurance vieillesse, et depuis 2015, assure l’accueil des ressortissants du régime agricole, gérés par MSA Armorique. Au total, ce sont 395 millions d’euros de prestations sociales et autres versées sur le territoire en 2018, pour 159 millions d’euros de cotisations. Notre excédent de caisse de retraite est donc largement absorbé par un déficit de cotisants sur l’ensemble des régimes.
« Nous bénéficions largement de la solidarité nationale, qui a notamment financé en grande partie ce siège à Kawéni », précise d’ailleurs Ymane Chanfi.
Les petits-terriens bénéficient toujours d’un accueil physique à l’hôtel de ville, et l’ensemble de l’île peut avoir recours à la plateforme téléphonique, qui va être étoffée, « lors du conflit social de 2018, le nombre d’appels, 140.000, a doublé sur l’année, en raison de la fermeture de l’accueil. »
Suivre l’exemple du président Chirac ?
L’autre particularité de la Sécu de Mayotte, est de ne pas encore être entrée dans le régime général, faute notamment d’application ici de code de la sécurité sociale. La population la réclame à grands cris, un rattrapage qui permettrait entre autre de relever les plafonds qui maintiennent le niveau des retraites à un niveau quasiment deux fois moindre que celles des autres départements français. Pour raviver les volontés parisiennes, reprenons l’acte de feu le président Chirac qui a aligné d’un seul coup d’un seul l’ensemble des prestations sociales des Départements d’outre-mer sur la métropole, en 1996, tenant là une promesse de campagne.
Parmi les 4 DOM d’alors, la Guyane, dont on nous dit que les particularités sont proches de celles de Mayotte, mais pour laquelle on n’avait donc pas craint d’appel d’air de migrations… Justement, pour accompagner l’évolution de la CSSM, est actuellement présente à Mayotte Monique Harang, Directrice générale de la Caisse générale de Sécurité sociale de Guyane. Ce n’est pas un hasard : « Il y a beaucoup de similitudes ici avec la Guyane, notamment sur la construction de la population. Je suis donc là pour une mission d’appui. »
Un appui, car la décision d’une accélération de convergence des taux et des prestations est une décision politique, comme nous le rappelle Ymane Chanfi : « Nous restons un exécutant des textes nationaux. Mais Monique Harang va nous apporter des éléments techniques. L’expérience guyanaise peut nous aider. » Les deux femmes sont déjà d’accord sur une méthode, « il faut faire du rentre dedans ! ».
Les médias auront pu visiter des locaux lumineux, au cheminement dûment renseignés par de nombreuses pancartes. Ouverture ce lundi.
Anne Perzo-Lafond