Aux archives départementales, plongée dans un pan de l’Histoire de Mayotte

C’est comme si la mémoire de Mayotte ne pouvait remonter que jusqu’en 1841. Et déjà ces presque deux siècles demandent à être mieux archivés. Un nouveau bâtiment devient plus qu’urgent pour prendre le relais de l’actuel qui, on ne le sait pas, abrite notamment des archives secrètes.

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Une plongée dans l'Histoire de Mayotte et des Comores

Visitées en grande pompe par les autorités lors des Journées Européennes du Patrimoine, les Archives départementales ont toujours un petit air de mourir dans leur coin. C’est pourtant la mémoire de Mayotte qui est abritée là, et qui aurait besoin de plus d’attentions. « Les études pour le nouveau bâtiment sont lancées, les Archives vont déménager vers Mroalé », nous assure Mdahoma Inssa De N’guizijou.

C’est un guide de choix dont bénéficie le petit groupe du dimanche des JEP. Archiviste, il est aussi chercheur en histoire de l’esclavage. Il était donc tentant de prendre du recul, pour ne pas seulement évoquer le contenu des Archives, mais la stratégie retenue pour capter l’ensemble de la mémoire de Mayotte, sans oublier un document qui pourrait faire sens dans l’Histoire.

Premier écueil : « Les plus anciennes données datent de 1841. Nous n’avons rien avant ». 1841, c’est la date de cession de Mayotte à la France, dont une copie figure en bonne place dans la salle de consultation. Avant ce sont les cadis qui transcrivaient les décisions liées à l’état civil ou dans le secteur foncier, « mais nous n’avons pas retrouvé d’écrits, beaucoup a été perdu lors de l’incendie des archives en 1993. » Un acte préjudiciable pour Mayotte, commis le 13 février 1993, dans le cadre d’actions syndicales.

Les communes comme annexes des Archives

« Les habitants de l’Archipel paient normalement leurs impôts, et ils le peuvent facilement car ce n’est pas le travail qui leur manque »

Les fonds proviennent pour la plupart des administrations, mais aussi de privés. Trois sources pour ces derniers : le cabinet d’architectes Réa d’Attila Cheyssial, celle d’Hariti Ibrahim, qui fut élu de la collectivité départementale, et celle de monsieur Boinahery.  « Ils permettent de compléter les manques dans les archives de l’administration. »

Des administrations qui sont priées de conserver leurs documents chez elles pour l’instant, « nous n’avons plus de place dans ce bâtiment ». Se pose donc le problème du stockage, et de l’archivage de ces documents. Les administrations en question ayant déjà du mal à recruter des compétences à Mayotte, pas sûr qu’elles aient toutes pensées à importer dans leur bagage un archiviste. Ensuite, se pose le problème de la connaissance et de l’organisation pour la transmettre aux archives afin de optimiser le temps de recherche d’un document. Tout n’est pas numérisé, loin de là. « Nous ne sommes pas équipés. Seuls deux fonds le sont, celui de la direction des services fiscaux, et celui du journal ‘Jana Na Leo’ ».

« Nous avons développé les archives orales ici, pour ne pas perdre cette mémoire », explique Mdahoma Inssa De N’guizijou. Il faut donc sensibiliser les services administratifs, et en particulier, les collectivités. « Cela pose un gros problème car les communes ne possèdent pas cette compétence. Quand elles sont peuplées de moins de 2.000 habitants, nous gérons leurs archives, mais au-dessus, elles doivent avoir leur service dédié. » Or, elles ont toutes dépassé ce seuil à Mayotte. « Une information est diffusée par le Centre Nationale de la Fonction Publique territoriale ».

La vérité sur Zakia Madi… dans 70 ans

Discussion sur Bakari Kusu avec Inssa Mdahoma de N’guizijou (à gauche)

Le vieux bâtiment abrite aussi des archives secrètes. Elles sont essentiellement judiciaires, à écouter Inssa Mdahoma de N’guizijou : « Nous avons notamment l’autopsie de la Chatouilleuse Zakia Madi, ou des jugements sur des actes de pédophilie. Les données médicales peuvent être consultées 120 ans après (il faut donc patienter encore 70 ans pour Zakia Madi, tuée lors d’un affrontement entre partisans et adversaires de l’indépendance en 1969, ndlr), alors que d’autres données ne nécessitent que 75 ans. »

Un poste stratégique que celui de Inssa Mdahoma de N’guizijou, puisque les archives doivent servir de point de repère. Dans le petit groupe, une enseignante du collège de Dzoumogné, qui a été baptisé Bakari Kusu. Mais pour notre archiviste, il est apparenté à un traite, « on oublie des vérités historiques. Bakari Kusu était un des lieutenants du sultan Adriantsouli, qui a cédé Mayotte à la France en 1841. Il était esclavagiste », on peut même lire sur la version en open édition de In Situ-revue des patrimoines que le gouvernement français lui aurait versé à ce titre une rente annuelle. Une déclaration qui étonnait l’enseignante, « ce n’est pas ce qu’on nous a expliqué lors du DU sur l’Histoire de Mayotte au Centre universitaire. »

Panneau sur le fonds patrimonial des Archives départementales. Ici, le boulevard des Crabes à Dzaoudzi

En sortant, les visiteurs pouvaient profiter des panneaux du Fonds patrimonial de la bibliothèque des Archives départementales de Mayotte, thème de cette édition 2019 des JEP. On peut notamment y lire que la Direction des Archives départementales est née en 2004, à peine 15 ans. C’était hier.

Anne Perzo-Lafond

6 Commentaires

    • durant longtemps la littérature nationaliste comorienne a érigé Bakar Kusu en martyre anticolonial sans savoir que c’était un malgache, qu’il a œuvré pour la colonisation de Mayotte par la France et même touché de l’argent et acquis une terre à Bouyouni pour ça alors que le rédacteur du traité de 1841(un mahorais issu de la lignée royale de Tsingoni et qui pouvait même prétendre au titre de sultan) lui n’a rien touché et que Kusu était esclavagiste (il était propriétaire de 17 esclaves sur ses terres données par l’administration coloniale à Bouyouni ) 😂😂😂😂

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