Filière volaille « on est en train de créer l’agriculture de Mayotte »

Le groupement AVM, abattoir volaille de Mayotte, officialise son système de QR code pour la traçabilité de ses poulets. L'occasion de se pencher sur ce qui se cache derrière le "100% mahorais" revendiqué par l'entreprise.

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La société AVM veut grignoter des parts de marché sur le surgelé importé

Déjà présenté au Salon du tourisme, le QR Code sur les barquettes de poulet n’est plus  tout à fait une nouveauté. Cette initiative d’AVM permet au consommateur, avec son smartphone, d’identifier le producteur qui a élevé chaque poulet de la marque « Mon Pouleti ». Démonstration à l’appui, une conférence de presse ce jeudi montre que ça marche. Après plusieurs tentatives selon l’appareil utilisé.

Cette rencontre avec la direction de l’entreprise, son président et une productrice, a aussi permis à la presse de poser de nombreuses questions sur les coulisses du « 100% mahorais » que revendique AVM, ainsi que sur les projets de l ‘entreprise qui ambitionne de concurrencer le poulet surgelé importé.

Première surprise, la traçabilité offerte par le QR Code s’arrête à l’éleveur mahorais qui a accompagné la vie de chaque poulet. Mais avant la poule, il y a l’œuf. Sisi. Et celui-ci vient de métropole. « On parle de 100% Mayotte mais ce sont des oeufs préalablement fécondés en métropole » reconnaît le directeur d’AVM Guillaume Rubin. Si l’entreprise a pour objectif d’avoir un jour ses propres poules pondeuses, un autre choix a été fait, pour l’instant. « Produire sur place implique de garder une même souche. Importer nous permet plus de souplesse pour trouver les souches les plus adaptées à Mayotte. Quand on aura trouvé les souches idéales, on pourra envisager d’avoir nos poules repro (reproductrices) ici à Mayotte » poursuit le directeur.

100% maoré, pas tout à fait

Autre entorse au 100% Mayotte, l’alimentation des volailles. Celles-ci sont nourries avec des aliments transformés à Mayotte, mais issus de produits végétaux importés. On retrouve ainsi du maïs ou du soja qui viennent d’Inde ou de métropole, mais aussi de Maurice, du Maghreb ou de la Mer Noire, « grenier à grain de l’Europe » pour les animaux. Selon AVM, le soja de métropole contient même des OGM, à l’inverse du maïs qui en est exempt.

Halal ou pas ?

Autre surprise qui ne figure pas sur les emballages, les 400 poulets abattus chaque jour au lycée agricole pour AVM le sont « de tradition halal » explique le président d’AVM Elhad-Dine Harouna. « Ce n’est pas écrit sur le poulet pour des questions de certification » précise-t-il. Le label répond en effet à un cahier des charges contraignant, mais l’entreprise a tenu à s’assurer les services d’un saigneur qui prononce la prière. « On n’est pas sur de grandes quantités, ce qui permet de faire le rituel » explique encore le président. Derrière cette stratégie discrète, un choix économique. « On est sur un territoire majoritairement musulman. Ceux qui ne sont pas musulmans mangent quand même du halal, l’inverse n’est pas forcément vrai ».

Multiplier la production par 10

Un éleveur de poulets d’AVM

Ce mode de production « familial » a permis de structurer la filière volaille pour les 12 éleveurs qui composent aujourd’hui AVM, une SAS ressemblant à s’y méprendre à une coopérative. Mais l’entreprise a vocation à prendre son envol pour voler dans les plumes du poulet surgelé. En effet, AVM a commencé à Kahani la construction d’un nouvel abattoir qui l’émancipera des locaux du lycée agricole. D’une capacité de 4000 à 5000 volailles par jour, soit 1500 tonnes par an, cet outil dernier cri (au sens propre pour les poulets) permettra de multiplier la production par 10, et même de la diversifier puisque les poulets pourront y être découpés sur place, et même vendus, grâce à une boutique attenante. Mieux, cette hausse de la production est promesse de baisse des prix pour le consommateur. C’est aussi la promesse de nouvelles perspectives pour les éleveurs qui, afin d’assurer ce volume de production, seront amenés à rejoindre AVM dans les prochaines années. Au final jusqu’à 30 éleveurs se partageront cette filière de circuit court, qui passera de 8 à plus de 40 salariés. Le tout porté par les projets de cuisines centrales et de restauration scolaires qui garantissent des volumes de commande à long terme. « On est en train de créer l’agriculture de Mayotte » se réjouit M. Harouna.

Le QR code permet de remonter à l’éleveur à Mayotte, mais pas jusqu’à l’élevage de reproduction en métropole

D’ici 2026, AVM ambitionne ainsi de passer de 1% à 10% de part de marché à Mayotte, rattrapant ainsi son retard abyssal sur le surgelé. L’argument principal restant celui du local, doublé de la qualité. Quant à la diversité, les responsables y ont aussi pensé. Maintenant que la production de poulet est pérennisée, AVM envisage de se lancer « sous peu » dans la pintade, et des chapons devraient même être proposés, pour les fêtes de fin d’année.

Y.D.

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