Risques naturels : sous-consommé, le fonds Barnier est reconduit pour les outre-mer

Alors que Mayotte est fortement touchée par les risques naturels depuis deux ans, elle peut recourir au Fonds de prévention dédiée. Nous sommes pour l’instant peu dotés.

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Un arbre tombé sur un parking à Mamoudzou lors du passage du cyclone Kenneth en avril dernier

Alors que les députés étudient actuellement le projet de loi de finances 2020, Nadia Ramassamy, la députée de La Réunion, également présidente de l’Intergroupe parlementaire des Outre-mer, a déposé un amendement sur la création d’un Fonds de prévention des risques naturels majeurs dédié aux Outre-mer. Revenant sur les « cyclones, ouragans, pluies diluviennes, séismes, coulées de lave ou submersion » qui y sévissent, doublée d’une « forte concentration de la population sur les littoraux », la députée pointe la sous-utilisation du Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs, dit Fonds Barnier.

Avant de réclamer la création d’une autre dotation, il faut donc s’interroger de prés sur l’utilisation que font les outre-mer des outils existants, comme le fonds Barnier, et notamment à Mayotte.

Créé par la loi de Michel Barnier du 2 février 1995, il avait pour mission originelle le financement d’expropriations de biens exposés à un risque naturel mettant en danger des vies humaines. Il a depuis été élargi à l’indemnisation des catastrophes naturelles non prise en charge par les compagnies d’assurance ainsi que le financement de la prévention des risques naturels. Par deux biais : en finançant une partie de l’action de l’État et en subventionnant les actions de prévention des risques naturels des particuliers et des collectivités.

Les DEAL en charge du fonds dans les outre-mer

Le nord de Mayotte touchée par le cyclone Hellen en 2014

Cette semaine, le 4 novembre, les députés ont voté en faveur de la prorogation d’une des dispositions de ce fonds qui devait prendre fin le 31 décembre 2019 en Guyane et à Mayotte. Il s’agit de la possibilité d’intervenir pour la démolition et pour l’indemnisation de l’habitat informel situé en zone fortement exposée aux risques en outre-mer. « Elle a démontré son utilité. Les territoires d’outre-mer sont très exposés aux risques naturels. L’amendement vise à mettre hors de danger les habitants menacés », a expliqué la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon. La mesure est donc prolongée pour 5 ans.

Comment fonctionne le Fonds Barnier ? Toute personne assurée pour son logement, cotise à hauteur de 12% du prix de son assurance habitation pour ce fonds selon le principe de solidarité. Ce prélèvement qui représente environ 200 millions d’euros par an, a été plafonné l’année dernière à 137 millions d’euros. Une opération qu’a peu gouté le député Éric Coquerel (La France insoumise), qui a demandé d’en relever le plafond à 180 millions d’euros, sans succès.

Dans les territoires d’outre-mer, ce sont les DEAL qui sont en charge de l’instruction des dossiers et du conseil aux collectivités, nous apprend un rapport du Sénat publié l’année dernière. Il est plutôt sévère sur le manque d’accompagnement.

Mayotte consomme 1% de la somme outre-mer

Il fait notamment état de difficultés qu’ont les collectivités locales à porter les projets nécessaires à la prévention face aux risques : « Les municipalités ne disposent souvent pas des personnels suffisants pour monter les projets de travaux de prévention et gérer les dossiers de sollicitation des crédits d’accompagnement locaux, nationaux ou du fonds Barnier. Ce manque d’ingénierie est fortement préjudiciable à la mise en œuvre rapide et efficace des projets nécessaires dans les territoires », peut-on lire. Pour la Guadeloupe, la Région s’est engagée à fournir cet appui.

La répartition des crédits du fonds Barnier dépensés depuis 1995 pour les outre-mer montre une distribution très inégale selon les territoires : 89 % des crédits ont ainsi été consacrés aux territoires des Antilles, « qui portent de nombreux risques et sont notamment confrontées au risque sismique » (La période étudiée par le Sénat est antérieure à la crise sismique à Mayotte). Les Antilles récoltent là le fruit de leur travail avec une « bonne réalisation des plans de prévention des risques naturels et la prise en main par les collectivités de ces questions ».

Depuis 1995, ce sont 206 millions d’euros de Fonds Barnier qui ont été distribués aux outre-mer. Sur ce montant, Mayotte a bénéficié de 2 millions d’euros, contre 5 millions d’euros en Guyane, ou 14 millions d’euros à La Réunion.

Financer les campagnes d’information

L’essentiel des dépenses réalisées outre-mer ont essentiellement concerné les études et travaux commandés par les collectivités locales. Deux postes de dépenses traditionnels que sont les plans de prévention des risques et les acquisitions amiables de biens exposés ou sinistrés ne viennent qu’en troisième et cinquième positions. A souligner : aucun crédit n’a été dépensé au sein du fonds pour des campagnes d’information outre-mer. C’est une voie que peut explorer Mayotte, alors que la population demande à suivre l’évolution des connaissances en matière d’évolution du volcan sous-marin, et d’enfoncement de l’île.

Les sénateurs préconisent que « l’Agence française de développement pourrait apparaître comme une solution aux problèmes d’ingénierie et de moyens », en raison de son expérience. Une AFD très sollicitée donc, puisque le président Macron l’envoie déjà au front pour résoudre la plupart des problèmes touchant aux investissements en infrastructures à Mayotte.

Ils suggèrent aussi de créer au sein du fonds Barnier une section propre aux outre-mer avec des conditions d’éligibilité assouplies, sous gestion conjointe du ministère du Budget, du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère des Outre-mer.

Anne Perzo-Lafond

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