Clap 1ère sur une amorce de cadrage de la production cinématographique à Mayotte

« Les seuls films qui montrent Mayotte en métropole, ce sont des images sur la violence ou sur le lagon, mais tous sont produit de l’extérieur, il faut une agence de film ici ». Le constat des participants à la table ronde du CUFR les incite à s’investir dans ce secteur, et surtout, à inviter les jeunes, dans le cadre scolaire ou non, à les imiter.

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Les jeunes filment et jouent des parcours de vie dont ils ont parfois été les témoins

La preuve que les talents en herbe existent, ces deux courts-métrages qui étaient proposés ce vendredi de table ronde sur le cinéma à Mayotte au Centre Universitaire. L’un tourné par son propre atelier cinéma, et l’autre par celui du lycée de Mamoudzou Nord.

Le premier, « Djitihadi » sort des sentiers battus. On entre dans les souvenirs d’une grand-mère, Djitihadi, aimée par ses petits enfants, mais qui a enduré jadis brimades et nuits sans domicile, avant de se créer une famille. On n’est pas dans le jugement, et c’est l’humour qui prime même lors de l’affrontement entre deux prétendants, avec une fin pleine de métaphores. Le second a été filmé et monté avec l’accompagnement de Gilles Colin, enseignant en Option cinéma au lycée de Mamoudzou Nord et chargé de mission cinéma au vice-rectorat. Le titre « Mon secret, mon cauchemar », laisse deviner un drame, celui d’un viol incestueux sur une jeune fille au départ bien dans sa peau, « tu la fermes ou je tue tout le monde », menace le père. Elle finira par parler. Un exutoire donc et un dénouement qui peut épauler des jeunes en manque de conseil. Tourné l’année dernière par sa réalisatrice qui est actuellement en licence de géographie.

Un autre projet cinématographique est mené à Mayotte par Miquel Dewever-Plana, Photojournaliste et réalisateur de renom, puisqu’il avait reçu le “Prix Journalisme et Droits de l’Homme” décerné par l’International Festival of Photojournalism “City of Gijón” pour son travail au Guatemala “La vérité sous la terre : le génocide silencieux” en 2008.

Les talents existent… il manque tout le reste

Miquel Dewever-Plana monte un projet cinématographique avec les jeunes à Koungou

En 2012, il a réalisé avec la journaliste Isabelle Fougère le web-documentaire « Alma, une enfant de la violence », « j’ai suivi une jeune femme membre d’un gang », explique-t-il. La Direction des affaires culturelles (DAC) de Mayotte fait écho à un travail demandé par son homologue à La Réunion, en demandant de faire participer les jeunes lycéens sur la rédaction de scénari. « Neuf histoires qui se terminaient toutes dans l’hémoglobine, nous les avons retravaillées avec eux ». L’objectif est une diffusion télé, en attente d’une réponse de Mayotte la 1ère, « Réunion la 1ère a accepté, la première diffusion se fera le 21 décembre, à raison de deux épisodes par semaine ».

Si la DAC a foncé pour ce projet, il est de plus en plus difficile de trouver des financements, « les fonds du Centre National du Cinéma, le CNC, deviennent de plus en plus inaccessibles. Il faut une agence de films ‘Mayotte’ pour produire des images montées ici ».

Car l’île ne manque pas de talents, rapporte Gilles Colin : « Il y a des cinéastes ici, je pense notamment à Daouidar Saïdali. Ce qui manque, c’est la production, la diffusion et la distribution. En plus, il n’y a toujours pas de cinéma. » Une structure que le conseil départemental a toujours eu du mal à gérer. Qui est encore en travaux « pour au moins trois mois », nous explique-t-on au Département.

Une des solutions serait de proposer des filières, « un BTS Audiovisuel par exemple, avec des partenariats. »

Contre-plongée sur Chirongui

Gilles Colin, un moteur dans l’appropriation du 7ème art par les jeunes

En matière de diffusion, heureusement, nous avons l’itinérant Ciné Musafiri, « et en production, il y a une dizaine de structures, comme Clap production avec sa série Askip. » On nous signale aussi le dispositif « Cinéma solidaire » du CNC, qu’une association compte mobiliser à Mayotte

Un grand coup de frais souffle de Chirongui, avec l’émergence du Pôle Culturel. Né il y a dix ans, le projet visait à proposer une alternative au sud, de la seule diffusion sur Alpa Jo au nord… Ça c’était avant la maladie de longue durée du cinéma. A Chirongui, on prévoit du mercredi au dimanche 10 séances par semaine, « un minimum, c’est la condition pour bénéficier de sorties nationales et d’avant premières », explique Célia Travouillon, préfiguratrice du Pôle culturel. Des stagiaires seront formés à l’équipement professionnel. « D’ici 2 ans, nous espérons décrocher le label ‘Art et essai’ ».

Autre dispositif, vanté par Gilles Colin, « Collège et lycée au cinéma », « 19 collèges sur les 22 y participent, et les 11 lycées de l’île. Mayotte est l’académie où la formule a le plus de succès. Mais nous avons là aussi, des problèmes de diffusion. Le vice-rectorat fait un gros effort en finançant les DVD, et Ciné Musafiri participe, mais il nous manque des partenaires. »

La table ronde proposée par le service culturel de Jean-Louis Rose au CUFR

Sur le volet formation, c’est encore Mamoudzou Nord qui s’illustre avec une spécialité audio-visuelle, et ses productions d’élèves dont « Une vie meilleure », qui avait suscité la polémique. Ce sont des supports destinés à intégrer les épreuves du Bac, « c’est le cas du court-métrage sur le viol ».

Sur le plan national, un partenariat vient d’être noué avec la FEMIS, École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, « qui accompagnera les élèves qui veulent s’y inscrire. »

Les enseignants œuvrent sur le même mode, « ce sont les élèves seuls qui tiennent la caméra, on leur évite juste les erreurs ». Avec un souhait de Emeline, Delhors,  documentaliste au collège Marcel Henry de Tsimkoura, « que les élèves prennent confiance dans ce qu’ils peuvent faire. »

Anne Perzo-Lafond

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