BTP : La construction de 30.000 logements doit venir booster l’économie pour les 10 ans à venir

Problèmes de foncier, de prix des matériaux de construction, de mode d’habitat… le préfet aura abordé beaucoup de sujets avec les médias avant la Journée professionnelle de la construction et du logement qui se tenait ce mercredi au Département.

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Une journée de rencontre des acteurs du BTP invités à relever le défi

Plusieurs d’annonces dans le discours du préfet face aux journalistes en préambule de la Journée professionnelle de la construction et du logement. Une sorte de grand-messe qui rassemblait ce mercredi opérateurs, donneurs d’ordre, architecte, gros et petits acteurs du bâtiment.

L’objectif est de « créer le terreau d’un développement soutenu de Mayotte pour les prochaines années », avance Jean-François Colombet. En se basant évidemment sur l’adage « quand le bâtiment va, tout va », c’est à dire que la relance de la commande publique va donner de l’oxygène aux entreprises, donc à l’emploi, et donc bénéficier à tous.

Cela aurait même commencé selon le préfet, « en 2019, 4.000 emplois ont été proposés par Pôle emploi, plus de 1.000 entreprises ont été crées avec une forte accélération ce dernier quadrimestre, dont plusieurs sont issues du secteur informel. Je tiens d’ailleurs à annoncer que le statut d’auto-entrepreneur sera bientôt possible à Mayotte. » On n’y croyait plus ! Enfin, l’Indicateur du Climat des Affaires de l’IEDOM est en hausse sur les deux derniers mois. »

Une embellie qui réjouit d’autant plus le représentant de l’Etat qu’on n’a pas encore touché au Contrat de convergence. A souligner, « l’investissement soutenu » du Département, c’est inédit, et ce n’est pas courant dans la bouche d’un préfet.

Croissance démographique : le préfet nuance

Entre les présidente et directeur de la SIM, le préfet Colombet se réjouit de l’embellie et veut « créer le terreau pour le développement de Mayotte »

Les politiques publiques comptent donc embrayer, et passer la vitesse supérieure en matière de logement, « c’est une des dépenses prioritaires des habitants. » Et l’Etat a chiffré le besoin à 30.000 logements pour les 10 prochaines années. En se basant sur trois critères.

La croissance démographique, tout d’abord, et il revêtait la peau du statisticien pour en atténuer la hausse traduite par l’INSEE, « grâce à l’action de ses services LIC (Lutte contre l’Immigration Clandestine), le flux est désormais à l’équilibre entre les entrées et les sorties du territoire. J’en veux pour preuve les inscriptions supplémentaires d’élèves au rectorat, anticipées à +1.000, mais qui ne furent que de 200, les trois nuits sans aucun accouchement au CHM, et la chute de 7% des demandes de cartes de téléphone prépayées. »

La croissance de la population doit amener, la SIM (Société Immobilière de Mayotte) à sortir 5.000 logements en 10 ans, soit 500 par an, « un niveau jamais atteint ».

Deuxième critère, le relogement des familles habitant dans des zones à risque ou dans des cases insalubres. Les besoins sont estimés à 10.000 logements.

Et enfin, la construction de logements privés, de particuliers qui vivent ou arrivent à Mayotte et qui souhaitent se loger, ce sont 15.000 logements qui sont nécessaires.

L’estimation totale se monte donc à 30.000. Le financement se fera notamment par la LBU, la Ligne Budgétaire Unique, dont le montant vient de passer de 30 à 40 millions d’euros.

Mise en place d’un Office Foncier Solidaire

De nombreux acteurs du BTP avaient répondu présent

Si la volonté politique semble présente, les écueils ne manquent pas. Le foncier tout d’abord. Avec une avancée : « Je vous annonce la mise en place par l’Etablissement public foncier de Mayotte, de l’Office Foncier Solidaire, cogéré avec Action logement, pour un capital de 6 millions d’euros. » Ce dernier s’installe d’ailleurs à Mayotte nous confiait le préfet. A travers les deux organismes, la libération du foncier et les prêts « à taux très bas », devraient aller de pair. Si le préfet le conçoit, « le foncier reste un problème », on peut aussi le récupérer à partir des anciennes constructions, comme c’est le cas pour le lotissement Tanamalaza à Passamainty, où la démolition de 12 maisons vétustes permet la construction de 64 appartements.

Autre problème soulevé par Ahmed Ali Mondroha, le directeur de la SIM, « lorsque nous lançons des appels d’offre, il arrive que nous n’ayons aucune réponse en dehors des majors de la place. » Se pose donc le problème de la structuration des petits et moyens métiers du bâtiment, et de la compétence. « Cette journée doit permettre de nourrir la réflexion ».

Autre écueil qu’il faut parer pour éviter les mauvaises surprises à moyen terme, celui du mode d’habitat retenu, dans un contexte de densification, et du choix de l’accession. Si l’EPFAM a proposé un type de logement adapté, « de qualité », et « avec un coût supportable », annonce Jean-François Colombet, il ne faut pas oublier les modes de vie traditionnelle, avec notamment pour les immeubles, une grande pièce ouverte par étage comme pensée dans l’immeuble Manga Be à Chirongui.
Ensuite, on semble revenir vers du locatif social. Or, un intervenant nous faisait remarquer qu’autrefois, les programmes proposaient de l’accession à la propriété. « Nous demandions un apport personnel de 10% environ, avec un petit prêt, et la personne était chez elle. Elle n’entretiendra pas de la même manière son logement que si elle loue, grâce à une allocation qui lui permettra de ne quasiment rien débourser, ou si elle est propriétaire. » L’entrée à l’actionnariat de la SIM de CDC Habitat pourrait favoriser cette option de l’achat.

Des matériaux toujours trop chers

L’Autorité de la concurrence avait pointé de gros dégagements de marge sur les matériaux de construction

Autre frein à la dynamique impulsée, le prix des matériaux de construction. « Ils sont 35% plus chers à Mayotte qu’en métropole », avait dénoncé l’Autorité de la concurrence en 2018. Ces matériaux représentant « près du tiers du coût de la construction d’un logement », selon l’Autorité, leur réduction diminuerait « de 12 % le coût en moyenne ». Un effort qui pourrait se répercuter sur l’acheteur ou le locataire, « la capacité de remboursement des familles est de 700 euros en moyenne ici. »

L’Autorité de la concurrence proposait plusieurs solutions, dont l’abandon de certaines normes, et mettait en cause les marges dégagées par des acteurs en position oligopolistique. La petite taille du marché est aussi en cause, et le préfet appelle la venue d’autres opérateurs privés, rappelant que la tonne d’enrobé avait été divisée par deux lors de l’arrivée d’IBS, « de 400 euros à 200 euros, et il est de 80 euros en métropole ».

Des problématiques qui ont été abordées tout au long de la journée, au travers de trois axes, « L’architecture entre modernité et tradition », « Produire moins cher pour produire plus », « Procédures et procédés ». Entre les 800 salles de classes prévues d’ici la fin du quinquennat, et les 30.000 nouveaux logements, il y a de quoi donner le sourire au BTP et attirer les investisseurs.

Anne Perzo-Lafond

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