Distribution d’aide alimentaire : une opération ambitieuse qui appelle un encadrement strict

« A qui on peut envoyer des dons alimentaires pour les plus démunis* ? » L'avalanche de messages dans ce sens incite à se pencher un nouvelle fois sur les démarches de distribution alimentaire en cours. Pour l’instant, elles pourraient manquer d’envergure au regard des défis, mais c’est un début, assurent les acteurs. Surtout que la situation est sensible.

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Éviter que les collations se perdent sur un territoire où elles sont attendues

C’est une opération délicate qui se monte ce vendredi, pas étonnant d’ailleurs que l’armée y participe : comme nous l’avions annoncé, il s’agit de distribuer autour des établissements scolaires les collations à des élèves bénéficiant de la PARS, la Prestation d’Aide à la Restauration Scolaire. « La fermeture des établissements scolaires a en effet induit, pour certaines des familles les plus précaires,  une difficulté d’accéder à un repas équilibré quotidien pour leurs enfants scolarisés », explique Salim Nahouda, président de la CSSM dans un communiqué.

Alors que 84% de l’île vit sous le seuil de pauvreté, et que les marchés ont fermé, le recteur Gilles Halbout fait remonter des cas d’élèves affamés, revenant vers leur établissement scolaire fermé. « J’ai proposé de mettre mes établissements à disposition et de jouer les intermédiaires entre les acteurs pour financer un dispositif », nous rapporte-t-il. Décision est prise d’une distribution des collations et repas scolaires, même pendant la crise COVID-19, « ce qui représente plusieurs millions d’euros », informe Salim Nahouda. Mais la prestation étant prévue pour un public spécifique et dans un cadre spécifique, il fallait donc l’accord de la Caisse nationale.

« Nous avons opté pour que l’ensemble des bénéficiaires actuels en profitent sur l’ensemble du territoire, pour éviter trop de déplacements qui seraient contraire aux règles en vigueur actuellement », précise même la directrice de la Caisse Ymane Ali Hamidi Chanfi. C’est à dire 62.626 jeunes, inscrits sur les fichiers des communes et/ou établissements scolaires.

Une tâche de grande ampleur, face à laquelle la préfecture décide de commencer petit : « Nous avons préféré tester une distribution pour la moitié, c’est à dire 30.000 bénéficiaires, et en nous basant sur une étude de l’INSEE pour déterminer 7 points de distribution, ce sont des poches de pauvreté importante », rapporte Jérôme Millet, sous-préfet chargé de la Cohésion sociale.

Le test de vendredi

Jérôme Millet monte l’opération pour la préfecture

Les établissements concernés sont le collège de Labattoir, le collège K2, le lycée de Kahani, le collège Nelson Mandela de Doujani, le collège de Kahani, et les collèges de Majicavo et Koungou. La difficulté vient ensuite de la manière dont vont être distribués ces repas, constitués notamment d’un sandwich, d’un produit laitier et d’une barre de céréales. Dans une des mairies, on n’est pas rassuré, « quand l’information sera donnée, on va se retrouver avec tous les jeunes des hauteurs », craint notre interlocuteur.

C’est pourquoi les légionnaires du DLEM sont appelés pour encadrer le dispositif, « nous ne devons pas nous faire déborder », rapporte encore Jérôme Millet, qui avait songé un instant faire du porte à porte, « mais c’est trop complexe, le conditionnement des repas n’est pas étudié pour cela. »

La difficulté tient aussi dans le choix des bénéficiaires. Tous ceux qui sont inscrits à la PARS n’ont pas forcément besoin de cet aide alimentaire, quand d’autres familles en détresse peuvent être oubliées. « Nous passons par les fichiers PARS des établissements scolaires concernés pour identifier les jeunes », rapporte encore Jérôme Millet. Qui explique que vendredi soir, « on tirera les enseignements en fonction des réussites et des ratés ». Car l’opération doit se dérouler ensuite trois fois par semaine. L’idée de passer à 60.000 distributions en doublant les points de distribution n’est pour autant pas encore dans les tablettes.

Eviter les débordements

Le collège de Majicavo, un des points de distribution

Pour cette opération, les communes sont appelées à la rescousse sur les techniques de filtrage des personnes, évitant les regroupements au moyen de barrières amovibles notamment. Des communes qui préparent aussi leurs propres opérations de distribution aux familles dans le besoin, il y en a plus de 400 d’identifiées à Koungou, nous y reviendrons.

L’opération managée par la préfecture et encadrée par l’armée, bénéficiera de l’appui des jeunes en service civique, « nous avons reçu 1.405 inscriptions, un vivier dans lequel nous allons puiser », se réjouit Patrick Bonfils, directeur de la Jeunesse et des Sports.

Les acteurs sont donc sur les rangs pour encadrer cette première, « même en Guyane ils ne font pas mieux ! », lâche Jérôme Millet. Il faut éviter un débordement que provoquerait un point de distribution de nourriture.

Tout le monde a en effet intérêt que l’opération se déroule au mieux, car dans ce cas, le nombre de bénéficiaires pourra être revu à la hausse. L’objectif est de soulager les familles en grande précarité pour qu’elles supportent au mieux cette période de confinement. Parce que cette crise aura permis de mettre en évidence que « nous nous trouvons tous dans le même bateau », pour citer le pape François, « nous sommes appelés à ramer ensemble et à nous réconforter mutuellement ». Même si en attendant, certains rament plus que d’autres…

Anne Perzo-Lafond

* DJSCS : 0269.61.60.50 ou djscs976@drjscs.gouv.fr

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