A une heure de grande écoute sur une chaine nationale, une locataire expliquait les difficultés qu’elle traverse en ce début de mois d’avril pour payer son loyer. Licenciée, elle se voyait obligée de demander un étalement du paiement à son propriétaire. Trois semaines après le début du confinement, ce sont 5 millions de salariés qui se retrouvent en chômage partiel. Un manque à gagner qui va forcément impacter les locataires de logements privés comme publics.
Ce qui nous a incités à nous pencher sur le profil des locataires à Mayotte, et des aides dont ils peuvent bénéficier. Une étude menée par l’INSEE et la DEAL en 2013, montre que 24% des ménages sont locataires, « une proportion confirmée par le recensement de 2017 », nous précise Jamel Mekkaoui, directeur de l’antenne locale de l’INSEE. Consulter l’ Etude INSEE profil_des_menages
L’étude est très instructive. On peut voir que les ménages louent principalement des logements en dur (72 %), « les occupants de maisons en tôle se déclarant plus souvent propriétaires de leur logement ou logés gratuitement ».
Des cautions aléatoires
Trois marchés de la location coexistent à Mayotte. Celui de la maison en dur avec le confort sanitaire de base, 42%, celui de la maison en dur sans confort sanitaire de base, 30%, et enfin, celui des cases en tôle. Les loyers du premier marché sont les plus élevés, 610 euros en moyenne par mois, et sont encadrés à 77% par un bail écrit. Ils sont supportés quasiment uniquement par des ménages originaires de France hors Mayotte. Les loyers du 2ème marché sont environ de 120 euros par mois, et concernent « majoritairement des ménages d’origine mahoraise ». Alors que « les natifs de l’étranger se répartissent à parts égales entre les 2ème et 3ème marché ».
Il faut regarder l’encadrement légal de ces trois marchés, et les recours et aides dont peuvent bénéficier les locataires et propriétaires des logements loués. On a vu que les locations du 1er marché étaient encadrées à 77% par un bail écrit, ce pourcentage chute à 2% pour les deux autres catégories. De plus, si le dépôt de garanti est versé à 66% pour le 1er, il l’est à 35% pour le 2ème et à moins de 23% sur le 3ème.
Un propriétaire ne pourra donc pas impacter un déficit de paiement en récupérant une caution dans la majorité des cas. Et les locataires officieux pourraient ne pas pouvoir recourir aux aides proposées. Il faudra donc que les propriétaires fassent un geste.
« Mayotte émarge au dispositif »
Sur le plan national, le ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, et le président de l’Assemblée des départements de France se sont mis d’accord pour que le fonds de solidarité pour le logement, doté de 350 millions d’euros, puisse être utilisé pour éviter les défauts de paiement pendant la période de confinement.
Il se traduit ici en abondant le Fonds de solidarité logement (FSL) géré par le Conseil départemental, qui accompagne le paiement des loyers pour les personnes les plus défavorisées. « Mayotte émarge bien au dispositif », nous confirme Joël Duranton, directeur de la DEAL. Le FSL pourrait être davantage sollicité donc. Mais plutôt le mois prochain.
Car pour Ahmed Ali Mondroha, directeur de la Société Immobilière de Mayotte (SIM), « les effets se feront surtout sentir à la fin de ce mois pour les loyers à payer début mai. Actuellement, le surcroit d’impayés que nous enregistrons est lié à l’impossibilité pour ceux qui venaient payer en agence de le faire. Le parc locatif social pourrait malgré tout être touché avant, mais heureusement les allocations familiales permettent de prendre en charge une partie du loyer. » Les mesures nationales prises pour les entreprises qui ont baissé leur rideau, sont appliquées, « on échelonne le paiement des loyers. »
Anne Perzo-Lafond