Pendant le confinement, plage rime avec carnage

Des dizaines de tortues marines font les frais du confinement, qui laisse le champ libre aux braconniers. Si la nature reprend ses droits par endroits, elle paye un lourd tribut sur nos plages avec pas moins de 28 cadavres découverts rien qu'à Moya.

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Les charognards s'en donnent à cœur joie

« C’est un carnage » déplore un policier devant l’ampleur du désastre. Pas moins de 28 tortues marines ont été massacrées sur les plages de Moya déplore l’association Oulanga Na Nyamba dans un long communiqué de presse.

L’association dénonce ainsi « une recrudescence alarmante du braconnage de tortues marines sur les principales plages de pontes depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19 ».

Si la lutte contre le braconnage est déjà une gageure en temps normal, le confinement a un effet désastreux pour ces reptiles à carapace qui participent à la richesse naturelle de l’île.

« A Mayotte, les plages sont vides depuis le début du confinement, et cette absence de fréquentation laisse libre cours aux braconniers. Les gardes du Conseil Départemental, responsables de la surveillance de la plage de Moya et les agents de la Police de l’Environnement de l’OFB sont confinés depuis le début de la crise » analyse l’association environnementale pour qui la situation est « critique » avec de nouveaux cadavres découverts « tous les jours ».

Une plainte déposée

Oulanga Na Nyamba rappelle que ces sites sont une richesse qui va au delà du seul patrimoine mahorais, et a saisi le procureur sur ces faits.

« Moya est l’un des joyaux de Mayotte : en journée, résidents et touristes profitaient de cette plage magnifique pour la baignade, la nuit les femelles de tortues y viennent déposer leurs oeufs, sous les yeux des visiteurs émerveillés. Mais, à l’heure où Mayotte souhaite se tourner vers l’économie bleue, les richesses de notre île sont détruites sous nos yeux. »

« Moya est après Saziley la plus importante plage de ponte de Mayotte, et une des plus importantes de la région. Elle procure à Mayotte un rôle essentiel en terme de conservation des populations de tortues dans la région. Le massacre des tortues sur nos plages est une perte d’ordre régional, notre responsabilité est engagée. Le 21 avril, l’association Oulanga na Nyamba a de ce fait adressé une plainte pour destruction d’espèces protégées à la Substitut de Procureur responsable de l’environnement et alerté la Préfecture de la situation dramatique. »

Un avant et un après

« A la fin du confinement, Moya ne sera plus comme avant. Sur cette plage, anciennement paisible s’entassent des cadavres de tortues. L’odeur de putréfaction est omniprésente. Il ne sera pas possible de poser sa serviette de plage sans avoir comme voisin un cadavre d’une espèce protégée, ce qui pose notamment des questions en terme de salubrité publique. »

Les constats dressés par l’association et les autorités ont permis de remobiliser des agents, mais en effectifs insuffisants déplore Oulanga Na Nyamba.

Les cadavres jonchent la plage et empestent la pourriture

« Si cette situation perdure sans action de l’ensemble des acteurs concernés, l’avenir des tortues marines, mais aussi la fierté des Mahorais pour cette espèce emblématique, et l’attrait touristique qu’elles engendrent, seront mis en jeux. Depuis le vendredi 24 avril, les gardes du Conseil Départemental sont de retour sur le site de Moya en effectif limité. De même, les agents de l’Office Français pour la Biodiversité, sont de retour sur le terrain, pour des missions ponctuelles. Mais ces efforts sont largement insuffisants pour lutter efficacement contre ce fléau, en temps de crise et après. »

De leur côté, les braconniers tuent tellement que la viande semble ne plus s’écouler aussi vite qu’avant. Au point que la semaine dernière, une annonce sur un groupe Facebook proposait sans complexe du « tchak-tchak » à la vente. Et le nombre de commentaires « intéressés » indique une fois de plus que la lutte ne peut se limiter aux plages. Sans acheteurs, il n’y aurait plus de braconnage.

Y.D.

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