La loi prorogeant l’état d’urgence avait soulevé des contestations dans l’opposition, portant notamment sur l’atteinte aux libertés individuelles. Le président de la République, suivi par le président LR du Sénat et d’une soixantaine de députés et le même nombre de sénateurs, avait alors saisi le Conseil constitutionnel. Une saisine tardive en raison de l’étude en accéléré sur la semaine du projet de loi. Avec une conséquence cocasse : l’avis des Sages n’a été livré qu’au soir du premier jour de déconfinement, qui était censé appliquer les mesures dictées par la loi.
Lors de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire le 23 mars 2020, le Conseil constitutionnel n’avait pas été sollicité. Depuis, les décisions comme la mise en quarantaine et en isolement forcée, ainsi que la création d’un système d’information permettant le traçage des personnes contaminées, ont vu le jour et demandaient un réajustement.
Pour l’institution, la loi présentée est constitutionnelle, moyennant ces deux points qu’elle a partiellement censurés.
Sur les placements en quarantaine et en isolement, pour une durée de quatorze jours et renouvelable au maximum un mois, et applicables selon la loi en arrivant sur le territoire national, en Corse, ou dans les collectivités ultramarines, le conseil constitutionnel reconnaît que le législateur « poursuit l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé », mais il précise que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».
La quarantaine, une arme efficace mais conditionnelle
Or, il pointe que « aucune intervention systématique d’un juge judiciaire n’est prévue » à ce niveau là par la loi, et considère comme « des mesures privatives de liberté » le placement en « isolement complet, lequel implique une interdiction de toute sortie » ou celle qui « imposent à l’intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d’hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour ».
Impossible donc en l’état de prolonger ces mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement, le Conseil d’Etat estimant qu’il n’y avait pas de garanties pour qu’un juge des libertés contrôle si il y a dépassement des 12 heures de contrainte par jour pour les malades.
L’amendement pris le 7 mai par la députée réunionnaise Ericka Bareigts et adopté (Lire PJL EUS2 A+ Bareigts – Possibillité de quartorzaine stricte OM, va donc tomber. Il se prévalait d’une mesure de quarantaine strict, car décidée par le préfet à La Réunion, qui avait « sans doute permis de réguler la propagation du virus à La Réunion », et demandait que « la quarantaine stricte dans un lieu isolé puisse être prolongée, le cas échéant, sur certains territoires ultramarins, sans quoi, la seule alternative sera la fermeture totale des aéroports ».
Un des autres points censurés porte sur le « traçage » informatisé des données. Même type d’objection. Si les Sages reconnaissent que la mesure « poursuit l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé », ils pointent le non respect de la vie privée sur l’accès à ces informations par « des organismes qui assurent l’accompagnement social », c’est le cas des CCAS inclus dans le dispositif. Les modalités de collecte devront également être précisées.
On attend de connaître sur ces deux points les précisions du décret d’application de la loi.
La question de la responsabilité des élus, notamment des maires, que nous avions évoquée est tranchée : tout est déjà dans le code pénal, dit en substance le Conseil, « Les dispositions contestées ne diffèrent donc pas de celles de droit commun et s’appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire »
Anne Perzo-Lafond
Pourtant, ça pourrait permette d’éviter une nouvelle vague…