L’agression a été d’une rare sauvagerie. Même si à en croire la substitut du procureur Chloé Chérel « on voit des histoires comme ça tous les jours au bureau du procureur », la gravité des faits et la personnalité des auteurs rend celle-ci singulière.
Le 13 mai dernier, un professeur de mathématiques du LPO de Kawéni rentrait chez lui à Mamoudzou quand il a été pris à partie près du rond-point Baobab. L’homme venait de se garer pour rentrer chez lui quand il a été violemment agressé par des jeunes qui en voulaient à son portable.
« Je rentrais chez moi vers 19h, j’ai vu 6 ou 7 jeunes de l’autre côté de la route. D’un coup je suis tombé, beaucoup de jeunes sont entrés dans ma voiture ». Les souvenirs de la victime, qu’il égrène à la barre du tribunal correctionnel, se présentent comme des flashs. L’état de choc est palpable. Manquant de mots pour décrire la violence de l’agression, il ouvre son sac et montre au tribunal la chemise qu’il portait ce 13 mai. Ensanglantée, une large ouverture sous l’aisselle.
C’est que le groupe d’agresseur n’a pas simplement saisi le portable. Leur premier réflexe a été de porter un coup de couteau à leur victime, tout près du cœur. « Ils avaient tous des couteaux, des cutters, il y a d’abord eu un coup de couteau puis des menaces ». Autour de lui dans la voiture, les agresseurs le frappent, le piquent avec un couteau pour l’un, un tournevis pour l’autre. Une des lames entaille la chemise non loin de la première blessure.
« Ils auraient pu simplement demander, j’aurais donné le téléphone » souffle la victime, qui ne comprend pas ce déchaînement de violence.
Au bout de » cinq à sept minutes », le groupe s’enfuit avec le portable de l’enseignant, qu’ils vendent pour 90€ afin de se « payer un repas ».
C’est une voisine qui, entendant les appels à l’aide de l’homme blessé, appelle la police. Rapidement, la vidéo surveillance permet d’identifier plusieurs auteurs. Notamment celui qui a porté le premier coup de lame, et celui qui a maintenu la victime en proférant d’autres menaces. Le tout en assénant gifle sur gifle pour le dissuader de crier. Deux auteurs au « rôle très actif » donc selon la procureure, qui ont été renvoyés devant le tribunal en comparution immédiate.
Un autre, mineur, a été renvoyé devant le juge des enfants. Le plus jeune de la bande n’avait que 11 ans.
Au tribunal, les deux auteurs principaux de l’attaque peinent à s’expliquer. Au mieux minimisent-ils les faits. Les couteaux ? Pour l’un, c’est parceque « des fois on me cherche ». Pour l’autre, c’est pour cueillir des mangues. Même en mai.
L’un a déjà été condamné deux fois pour violences et vol avec violence, à chaque fois à des sursis avec mise à l’épreuve. L’autre, viré du collège pour avoir blessé un camarade avec des ciseaux, a été envoyé en foyer éducatif pour mineurs où il a… importé des armes. Son casier, à tout juste 18 ans, est aussi déjà fourni.
Des profils face auxquels le parquet estimait mercredi qu’il serait « difficile d’éviter la prison ferme ». La prison ferme, c’était d’ailleurs le principal souhait de la quinzaine de profs venus soutenir leur collègue à l’audience.
La procureure demandait 3 ans ferme, avec mandat de dépôt. Me Ibrahim, pour la défense, plaidait pour une « peine éducative ». Le tribunal a coupé la poire en deux, avec 1 an ferme et 6 mois de sursis probatoire pour chaque prévenu. Leurs sursis précédents n’ont pas été révoqués et resteront donc au dessus de leurs têtes à leur sortie.
La victime elle, n’a demandé qu’un euro symbolique. « Quand je pense que j ‘ai passé ma vie à enseigner à des jeunes comme ça, être remercié de la sorte ça fait mal » déplore-t-il.
Y.D.
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