En bloquant l’économie pour parer à tout débordement sanitaire dû au Covid qui a provoqué environ 10% de surmortalité nationale par rapport à l’année précédente, le gouvernement savait que « l’après » serait compliqué. « Aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite », avait lâché Emmanuel Macron en annonçant le début du confinement le 17 mars. En effet, la procédure de chômage partiel a été immédiatement mise en place. Toute une batterie d’aides sous forme d’avances remboursables, dont des prêts garantis par l’Etat ont suivi. Un point est d’ailleurs régulièrement fait par la préfecture sur les sollicitations de ces aides.
Pour savoir comment les entreprises encaissent le coup, nous nous sommes tournés vers la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Mayotte qui a entrepris un sérieux travail d’étude d’impact du confinement sur le monde économique. Les premiers résultats portent sur l’observation d’un gros mois de confinement, jusqu’au 24 avril, la 2ème série est en cours. « Ce sont 621 entreprises qui ont répondu au sondage », nous rapporte Serge Rochepeau, Directeur du Développement économique à la CCI.
La prise en compte de l’étude dès le départ est intéressante, « 97% se sont déclarées impactées, c’est énorme, mais il avait aussi une confusion entre la peur et la réalité ». L’annonce du confinement même si elle fixait une échéance, a été anxiogène pour qui a investi dans une entreprise. Elles sont bien entendu 100% dans l’hôtellerie et la restauration à avoir été impactées, avec une mesure de fermeture immédiate et totale. Dans l’industrie, 95% des entreprises ont été touchées, dans l’artisanat 98%, le BTP 97%, le commerce 96%, et la catégories autres services, 97%. Précisions que la Cellule d’urgence de la CCI ne traite pas les grandes entreprises, « elles ont souvent leur propre ressource en interne ».
Une trésorerie de méfiance
Comme le rappelle Serge Rochepeau, « à Mayotte, il y a une forte résilience », à force de subir des crises successives. Un hôtelier nous expliquait avoir pu compter pendant le premier mois sur sa trésorerie, « ici, on constitue un fonds plus important que dans des territoires plus calme ! » Ce qui peut expliquer des services fournis à des coûts plus élevés. Plus de 90% connaissent un problème de trésorerie.
Mais les coups de buttoir sociaux tels qu’on en a connus en 2011 et 2018, fragilisent aussi, avec 82% des entrepreneurs inquiets pour leur pérennité, et 70% qui constatent un impact sur leur chiffre d’affaires. Le moins touché est bien sûr le secteur de la grande distribution qui n’a jamais fermé ses caisses pendant la crise.
Lorsque l’enquête a été menée, seul la mesure du chômage partielle avait été mise en place. Elles sont 29% à y avoir recouru, une proportion qui a du augmenter par la suite, et 33% à avoir placé leurs équipes en arrêt de travail. Le télétravail a été possible dans 8% d’entre elles, c’est peu, 6% ont du licencier, et 5% ont incité leurs salariés à prendre leurs congés. Des données qui auront évolué certainement à la hausse depuis fin avril.
Mais qui recoupent un taux important d’entreprises qui ont dû fermer complètement pendant le confinement, 62% de celles qui ont répondu à l’enquête.
Parmi les aides fournies rapidement, l’Etat a également débloqué 1.500 euros pour les TPE et les indépendants. « Beaucoup l’ont demandé, mais étant conditionné à une activité en règle, nous avons dû accompagner des mises à niveau ».
Pérenniser les plateformes d’urgence… on ne sait jamais !
On avait souligné la réactivité du conseil départemental, qui avait annoncé 14 millions d’aides économiques en sus des aides sociales, mais l’inertie des services a encore frappé : « Les fonds ont été versés depuis une dizaine de jours, grâce à l’action de l’Agence de Développement et d’Innovation de Mayotte, l’ADIM, et des Chambres consulaires. Plus de 3.000 dossiers sont réceptionnés sur la plateforme du Département. »
Plus largement, ils sont 800 chefs d’entreprise à avoir demandé assistance à la Cellule d’urgence, « où la Chambre des Métiers et de l’Artisanat travaille étroitement avec nous », pour décrocher des fonds de solidarité ou les prêts d’honneur.
Sont également partie prenante dans les financements, plusieurs collectivités, dont l’intercommunalité de Petite Terre, la CADEMA, Chirongui, etc. Une organisation qui se met en place sous forme de plateformes de travail avec les Chambres, et qui pose déjà la question leur pérennisation, « surtout que des collectivités ont recruté des compétences pour ça. »
La période post-crise devra être étudiée avec l’attention d’un œil d’habitué aux crises sociales : « Y aura-t-il une résilience ici ? Certaines entreprises vont-elles délocaliser comme elles l’ont annoncé en disant que c’était la goutte d’eau qui faisait déborder leur vase ? » Et sans tabou, « y aura-t-il eu des effet d’aubaine chez quelques uns avec ce volume important d’argent public mis en circuit ? »
La CCI est déjà dans l’après futur immédiat : « Nous travaillons avec le conseil départemental à une convention pour la structuration des filières pour en faire émerger, comme l’économie bleue, la restauration, etc. »
Anne Perzo-Lafond