Le tourisme, un secteur sacrifié, et un thème difficile à aborder par ces temps d’état d’urgence sanitaire. A La Réunion, les professionnels évoquaient ce sujet sur la pointe des pieds. Mais depuis que le nombre de nouveaux cas quotidiens se compte sur les doigts d’une main, ils demandent la « réouverture du ciel sécurisée et respectueuse du territoire ».
A Mayotte, il faut encore plusieurs mains pour compter les malades déclarés positifs au Covid chaque jour. Sans que l’on sache s’ils sont issus de foyers (clusters) ou pas, mais avec cette annonce de la directrice de l’ARS Mayotte sur des cas en majorité bénins. Alors que nous sommes à 3 semaines de la date des vacances, avec nombre de fonctionnaires de l’éducation nationale, de l’hôpital, qui se déplacent habituellement à cette période, plane encore l’incertitude de la reprise régulière des vols commerciaux avec Paris et La Réunion.
On annonce une prise de position officielle du premier ministre dans les jours qui viennent. Si les départs vers la métropole nécessitent des préalables à peaufiner (tests, quatorzaines avant d’y poser le pied), les arrivées vers les outre-mer seraient plus facilement acceptables, selon Dominique Voynet, en raison d’une situation plus favorable en Hexagone. Quoique certains départements présentent une situation proche de celle du 101ème département.
Un tourisme « Chacun chez soi » cette année
En tout cas, le cœur des territoires d’outre-mer semble balancer entre deux impératifs, préserver leur sol d’un regain de diffusion de Covid, et minimiser la casse de la saison touristique. Un secteur majeur dans la plupart de ces territoires où le manque à gagner se fait déjà sentir, bien plus qu’à Mayotte. Or, selon une enquête du cabinet de conseil Protourisme, seuls 8% des hexagonaux prévoient de se déplacer à l’étranger. Si la fermeture des frontières peut expliquer ce faible taux, on pouvait espérer que la destination outre-mer soit privilégiée. Or il n’en est rien.
« Les métropolitains n’envisagent pas de se rendre en outre-mer selon cette étude Protourisme. Au contraire, les messages institutionnels les incitent à rester en Hexagone, et à ne pas prendre l’avion », rapporte Michel Ahmed, directeur du Comité Départemental du Tourisme (CDTM). Il est très attendu par les professionnels locaux qui se sentent délaissés, « on n’a pas l’impression d’être accompagnés », nous glisse un des opérateurs du lagon.
Michel Ahmed explique travailler à un plan de relance avec le conseil départemental, « nous cherchons comment relancer l’activité ». Car si Mayotte accueille habituellement peu de touristes d’agrément – ceux qui viennent sur un coup de tête après avoir flashé sur l’image de notre vert lagon – ils sont habituellement nombreux à venir rejoindre leur famille ou des amis ici, grossissant les rangs d’un tourisme qualifié d’affinitaire, entre 50.000 et 60.000 par an. « Sur le secteur du tourisme affinitaire, nous allons être touchés si personne ne peut venir, ou si des conditions de quarantaine sont maintenues ». Il annonce mettre en place une politique déjà lancée de multiple fois sur le territoire, « il faut viser la consommation locale ».
« Nous sommes complets tous les jours »
Si le conseil départemental a mis en place des aides, 14 millions d’euros pour les très petites entreprises en souffrance, notamment par le biais du Fonds départemental de solidarité, le plan de relance du CDTM devrait porter des mesures incitatives pour inciter la population locale à consommer du tourisme local. Aura-t-on droit à des pass lagon ou des duo restau-rando ? Ce serait une première !
Certains n’ont pas attendu, et aussitôt le feu vert préfectoral donné pour aller sur la grande bleue, les clubs de plongée ont recommencé à travailler, « j’ai repris depuis le 29 mai, et ça se passe très bien, car nos clients travaillent tous à Mayotte, nous ne travaillons qu’avec 5% de clientèle touristique. Nous sommes complets tous les jours comme avant l’épisode de Coronavirus », se réjouit Nyamba Club.
Les plus impactés sont bien évidemment les hôtels et les restaurants qui restent pour beaucoup fermés, puisque seules les terrasses sont autorisées. Leur traversée du désert devrait prendre fin le 22 juin, date de leur ouverture annoncée dans les zones Orange.
Anne Perzo-Lafond