La proposition de loi portant sur la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les Outre-mer, qui prévoit de revaloriser les retraites des agriculteurs ultra-marins, a été adoptée par la Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, ce mercredi 10 juin 2020. Elle garantit une retraite de 75% du SMIC pour les agriculteurs ultramarins (85% en métropole).
Appuyé pour les outre-mer par le député Olivier Serva, le texte est proposé par le parti communiste. Il avait déjà été adopté en 2017 sous la présidence Hollande, et retoqué au Sénat après l’intervention du gouvernement d’Edouard Philippe en 2018 au motif que la réforme des retraites était en préparation. Qui prévoyait un seuil de retraite de 1.000 euros pour un exploitant agricole sous réserve d’une carrière complète. Mais la suspension de la réforme des retraites provoquée par la crise Covid et la nécessité de venir en aide aux agriculteurs, appelait une réaction. Dans ce secteur, « une retraite sur trois est inférieure à 350 euros » en France, avait indiqué le porteur du projet de loi, le député André Chassaigne.
La jeunesse du régime de retraite
Revoilà au programme des assemblées cette proposition de loi donc, qui a été adoptée par la Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale mercredi dernier. Où elle sera examinée en deuxième lecture le 18 juin. La loi entrerait en vigueur le 1er janvier 2022.
S’il s’avérait qu’elle passe avec succès les deux assemblées pour être adoptée, ce serait une mini révolution, celle d’une première garantie de pension décente à Mayotte. En raison du plafond de la Sécurité sociale, elles avoisinent en effet les 400 euros, tous secteurs confondus. En ce qui concerne les agriculteurs, elles sont même quasiment inexistantes, comme nous l’explique Philippe Meyer, Directeur général de MSA Armorique que nous avons contacté au téléphone : « A Mayotte, le régime de pension pour les agriculteurs a été créé en janvier 2015, et la retraite complémentaire en janvier 2019, les droits des agriculteurs sont donc encore limités à Mayotte. » Car ils n’ont pas encore cotisé sur une carrière complète. Pour autant, ils pourraient en percevoir les premiers fruits comme nous le verrons plus loin.
Mais pour percevoir une retraite, il faut avoir cessé de travailler et donc avoir cédé son exploitation. Or, à Mayotte, cela n’est pas dans les habitudes : « Il ne s’agit pas de vendre sa parcelle, mais de prouver qu’on n’exerce plus en ayant cédé son activité, que ce soit à son fils ou à une autre personne. Mais à Mayotte, les agriculteurs restent sur leurs terres. »
Relever l’ASPA, une condition préalable
Un constat qui en appelle un autre : les jeunes, déjà en mal de foncier, ont du mal à s’installer. « Les agriculteurs âgés doivent passer la main. Et même s’ils n’ont pas cotisé toute leur carrière en raison de la jeunesse du système, ils pourront quand même percevoir une somme rapportée à la période cotisée, et l’Allocation Solidarité pour les Personnes Âgées. » Mais l’ASPA est encore moitié moindre ici que dans le reste du pays.
Si la mesure est innovante sur le plan national, elle est néanmoins conditionnée au montant de l’ensemble des droits à la retraite, certains agriculteurs exerçant en effet une 2ème activité, et percevant donc plusieurs pensions.
A Mayotte, il n’y aurait que deux agriculteurs bénéficiant de ce début de régime, « ils ont exercé une activité en métropole ». Pour autant, si les agriculteurs ne perçoivent encore rien, ils ne mettent pour autant pas la main au pot, puisque les cotisations sont en réalité exonérées, « ils ne paient rien en réalité, non plus pour l’assurance maladie ». Seule la cotisation pour accident du travail ou pour les retraites complémentaires sont prélevées.
On imagine que même en sortant leur calculette, il est encore trop tôt pour que le montant à percevoir pour une adhésion à la MSA depuis 2015 ajouté à la maigre ASPA dépasse les recettes de l’exploitation. Il faudra plusieurs sabliers avant d’y arriver à Mayotte. Et c’est aussi pour ça que la convergence des montants des allocations vieillesse sur la métropole doit être accélérée car elle inciterait sans doute à un départ pour une retraite méritée avec la place laissée aux jeunes.
Anne Perzo-Lafond