Arrêtons de comparer Mayotte à la Guyane. Comme le rappelait la ministre des Outre-mer Annick Girardin interpellée par un député à l’Assemblée nationale, la Guyane a été l’objet de mesures fortes en mars à la suite de retour de malades du rassemblement évangélique de Mulhouse, qui ont porté ses fruits puisque la diffusion du virus a été contenue jusqu’à mi-mai. Ensuite, le département français d’Amérique a été victime du déplacement de l’épicentre de la pandémie vers ce continent, dont le frontalier Brésil, avec des enjeux migratoires forts.
A Mayotte, la contagion a été décalée avec la métropole en mars, étroitement liée aux arrivées en avion qu’on a stoppées tardivement. Cela aurait eu moins d’incidence, si les tests et le port du masque avaient été déployés de suite. Or, les autorités sanitaires en minimisaient l’utilité, comme en métropole, ce qui a laissé le temps au virus de circuler. Le temps de mettre en place un pont aérien, on a manqué de réactifs pour les tests, empêchant de cantonner les foyers qui étaient trop tardivement détectés. Depuis, il semble que nous ayons atteint un pic dans la deuxième quinzaine de mai, et que le virus soit désormais moins virulent hors cluster. « Nous sommes en train de sortir de l’épidémie », nous indique au téléphone la députée et médecin Ramlati Ali. Les faits lui donnent raison.
Comme nous l’avions rapporté, et d’après le dernier bulletin de Santé Publique France, on assiste à une diminution des cas positifs hormis les clusters, et comme les dépistages restent aléatoires, nous avions mis en évidence le fléchissement des accès aux urgences depuis fin mai.
Moins d’évasans que l’année dernière…
Le docteur Ludovic Iché, Responsable du SAMU au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) livre d’ailleurs plusieurs constats encourageants : « Il n’y a plus d’entrée en réanimation depuis 15 jours à Mayotte », indiquait-il sur Antenne Réunion. Autre élément frappant : « Depuis le début du confinement et de la crise, on a effectué 135 évacuations sanitaires (evasan) depuis le 1er mai, contre 144 à la même période l’année dernière sans crise sanitaire » ! Il rajoute même que sur 24 patients Covid positif évacués, 10 l’ont été « pour soulager les places ici », à Mayotte. Et pour des pathologies aggravantes.
Il semble dès lors, que nous ne puissions pas être traités sur le même pied que la Guyane. Annulées là-bas, la tenue des élections ici, avec toutes les précautions que cela suppose, en est un exemple. « On ne peut plus être comparés avec la Guyane », a expliqué la députée mahoraise à la ministre.
La remise en route des vols commerciaux a été évoquée rue Oudinot lors de l’entretien lundi entre la députée mahoraise et Annick Girardin. Malgré un décret qui maintient les conditions impérieuses de voyage, des premiers vols commerciaux ont été menés. « A partir de la semaine prochaine, nous devrions pouvoir circuler vers le territoire national sans justificatifs », croit savoir la députée.
« Le préfet pourra décider du confinement d’éventuels foyers »
Imposer une quatorzaine à l’arrivée à Paris lui semble excessif, « on ne nous l’a pas imposé lors de la phase la plus active du virus à Mayotte ! ». Surtout, la quatorzaine avait été partiellement censurée par le conseil constitutionnel en mai dernier pour être privative de libertés, qui la subordonnait à l’accompagnement d’un juge. Ramlati Ali demande en conséquence un test 3 jours avant au départ de Mayotte, comme cela va se faire cet été dans l’autre sens, pour se rendre en outre-mer. Cette mesure pourrait même être vue comme un moyen de pression pour obtenir l’acheminement massif de tests.
Si l’évolution de l’épidémie chez nous se « stabilise », voire décroit, dissociant notre trajectoire de celle de la Guyane, un point nous rapproche cependant : le risque que fait peser l’immigration clandestine sur la diffusion régionale de la maladie. Contrairement à l’Amérique du Sud, notre région n’est pas un épicentre de la maladie, mais les portes d’une Afrique dont certains pays sont particulièrement vulnérables, sont proches. Et la situation aux Comores reste floue.
Pour cette raison, le maintien de l’état d’urgence sanitaire* jusqu’au 30 octobre à Mayotte et en Guyane quand il va officiellement sauter le 10 juillet dans le reste du pays, ne semble pas incongru à la députée qui l’a défendu auprès de la ministre : « Nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête avec les Comores, avec de possibles clusters liés à l’immigration clandestine. »
Pour son confrère le député Mansour Kamardine, c’est une « stigmatisation » de notre département qui n’a pas de lien avec la réalité d’une épidémie en décroissance.
Si une telle décision était prise, on pourrait tirer des éléments positifs, selon le sénateur Thani Mohamed Soilihi: « L’état d’urgence sanitaire n’implique pas un confinement, mais laisse des marges de manœuvres au préfet. Il pourra isoler ou confiner tel ou tel village où le virus se remettrait à circuler. Il y a aussi des catégories de populations fragiles à protéger davantage. » Il évoque un accompagnement indispensable de ce maintien d’état d’urgence sanitaire, « avec un confinement possible à la carte, en fonction des clusters. »
D’ailleurs, le gouvernement joue de prudence sur le plan national également, en organisant une sortie de l’état d’urgence sanitaire pour le 10 juillet, comprenant une période transitoire jusqu’à fin octobre avec la possibilité d’introduire des restrictions. Et si la tendance s’améliore à Mayotte, la date buttoir du 30 octobre pourrait être avancée.
Anne Perzo-Lafond
* La déclaration de l’état d’urgence sanitaire autorise le Premier ministre à prendre par décret des mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion (y compris des mesures d’interdiction de déplacement hors du domicile), des mesures de réquisition de tous biens et services nécessaires pour mettre fin à la catastrophe sanitaire, des mesures temporaires de contrôle des prix