Les faits jugés depuis quatre jours à la cour d’Assises de Mamoudzou ne concernent que des faits d’avril et mai 2015, et ne sont que la partie émergée de l’iceberg selon le parquet. Mais la liste des crimes et délits commis pendant cette courte période suffit à mettre un verrou durable sur la carrière criminelle de la « bande à M’Déré ».
Ce groupe d’amis a fait régner la terreur à Mayotte en 2015 et 2016, et l’expression « coupeur de route » qui continue à inquiéter, leur est due en grande partie.
On est pourtant loin de la bande organisée de criminels professionnels. L’examen des multiples crimes et délits pour lesquels ils ont été reconnus coupables à des degrés divers tient plus de l’opportunisme. Sévissant dans tout le sud de Mayotte mais aussi à Mamoudzou, ils avaient pris l’habitude de circuler sur des véhicules volés, en quête de victimes à dépouiller, voire à violer. En tout, sur une période d’environ un mois, 9 faits de nature criminelle et 4 délits ont été recensés, attribués aux membres de cette bande et jugés par la cour d’Assises.
L’avocate générale Denise Lacroix constate qu’il y a eu à l’époque une escalade criminelle.
» Il y a eu une escalade dans la gravité des faits commis, avec des faits multiples de vols de scooters, de véhicules et de cambriolages ».
Le pilier de la bande, Mdéré, utilisait un cric, « il écartait les barreaux pour entrer dans les habitations de nuit, à la recherche de clés de voiture puis ils changeaient les plaques ».
Ces véhicules servaient à sillonner l’île en quête d’autres victimes. Tous les deux ou trois jours, les véhicules étaient abandonnés afin de semer les enquêteurs. Ont suivi « des vols commis avec des armes blanches, ces faits ont conduit certains membres à commettre des atteintes aux personnes, c’était des opportunistes qui profitaient des occasions qui se présentaient. Quand ils repéraient un véhicule arrêté sur le bas-côté servant de refuge à des couples en quête d’intimité, ils stoppaient leur scooter et menaçaient les couples ». C’est dans ces conditions que le 5 mai au col de Chirongui, le bande a atteint le paroxysme du sordide en violant une jeune femme. Cette dernière s’est courageusement présentée à la barre où elle a formellement identifié le surnommé M’déré, alias Abdérémane Nassur.
Plus chanceux, un autre couple a été contraint de retirer de l’argent à un distributeur, dont les images de surveillance montrent la victime effectuer le retrait, les mains entravées.
Une peine plus sévère que les réquisitions
Tous ces faits, particulièrement traumatisants, ont conduit les enquêteurs à déployer les grands moyens : écoutes, filatures, reconnaissances sur photo ont permis d’identifier une partie des auteurs. Deux sont toujours recherchés.
Après dont plus de 4 ans de procédure, la justice a rendu son verdict pour les membres identifiés de la bande. Si le caractère organisé n’a pas été retenu en raison du peu de structuration du groupe, Abdérémane Nassur a été présenté comme son « pilier » et condamné à 18 ans de réclusion. Celui qui avait réussi à s’évader de façon rocambolesque en 2016 avant d’être rattrapé en 2018 était depuis détenu à l’isolement. Il n’en a pas fini avec la justice puisqu’il est soupçonné d’avoir poursuivi ses activités criminelles pendant sa cavale, et fait l’objet d’une autre procédure qui devrait, elle aussi, finir devant la cour d’Assises. Il risque aussi 5 ans de plus pour son évasion.
Son comparse Anduhane Attoumane avait commencé par minimiser son implication avant de reconnaître plusieurs crimes à l’audience. Il écope de la même peine de 18 ans. Ce dernier avait déjà été condamné 4 fois, sous quatre identités différentes. Ce sont ses empreintes qui l’ont définitivement confondu.
La nombre important de faits reprochés et leur impact sur la société mahoraise ont pesé lourd dans la condamnation de ces deux comparses, qui écopent ainsi, et c’est assez rare pour être souligné, de trois ans de plus que les réquisitions de l’avocate générale, qui réclamait initialement 15 ans à leur encontre.
Trois autres accusés écopent de 8 et 10 ans de réclusion.
Tous sont visés par une interdiction définitive du territoire français.
Y.D.
Je ne comprends pas pourquoi on parle de crimes ou délits par « opportunisme » alors que ces individus comme vous le dites, » avaient pris l’habitude de circuler sur des véhicules volés, en quête de victimes à dépouiller, voire à violer ». Cela signifie qu’ils avaient l’œil et étaient donc aguerris à repérer des personnes en état de vulnérabilité et s’attaquer à elles. On ne peut commettre autant de crimes et délits sur le coup de la chance pour eux et de la malchance pour les victimes.
Les juges se refusent à les qualifier de professionnels. S’ils ne l’étaient pas, tout indique qu’ils étaient en voie de l’être. Même évadé, Mdéré a persisté dans le crime. Ils cassaient les maisons à la recherche de clés de voitures – c’est pas de l’opportunisme! -, en changeaient les plaques et les abandonnaient au bout de 2 à 3 jours pour semer les forces de l’ordre. « le caractère organisé n’a pas été retenu » non plus alors qu’ils agissaient ensemble, c’est-à-dire en bande et ce, sur plusieurs semaines au moins! Que comprendre? Dans le cas des violences dites urbaines, il en faut beaucoup moins pour que les jeunes interpellés soient considérés comme agissant bandes organisées.