Depuis le 21 mai 2020, le jeune Houmadi Abdou avait disparu suite à un enlèvement et à « une correction » donnée par 3 individus qui avaient décidé de se faire justice eux-mêmes. Deux de ces derniers s’étaient présentés spontanément à la gendarmerie de Pamandzi dès le lendemain des faits en expliquant que le jeune homme de 23 ans, un présumé délinquant qu’ils avaient décidé de « corriger », s’était enfui de leur voiture alors qu’ils le ramenaient chez lui. Mais le jeune homme était resté depuis introuvable. Des rumeurs disaient qu’il avait pris le kwassa pour Anjouan. Le troisième individu coupable de l’enlèvement a été retrouvé peu après et les trois personnes ont été présentés devant le juge d’instruction. Ce dernier les avait laissés en liberté provisoire, mais le parquet avait fait appel de cette décision, générant une manifestation du Collectif des citoyens devant la chambre d’appel. Les 3 hommes sont toutefois ressortis libres et placés sous contrôle judiciaire.
Une identification du corps retrouvé aux Badamiers
Seulement voilà, un corps en état avancé de décomposition a été retrouvé le 22 juin dernier dans le secteur des Badamiers, non loin de l’endroit où le jeune Houmadi Abdou avait été violenté, à plusieurs dizaines de mètres de la déchetterie, dans un champ clôturé et broussailleux. Les premières constatations de police technique et scientifique réalisées par les gendarmes de la Cellule d’identification criminelle (CIC) de la gendarmerie de Pamandzi permettaient de relever plusieurs indices : le corps découvert est celui d’un homme de race négroïde ; le défunt était porteur d’un pantalon de survêtement de couleur bleue pale de marque Adidas supportant le signe M en haut de la poche droite ainsi que des bandes verticales foncées sur les côtés, d’un tee-shirt de marque Kiabi avec un motif fleuri de taille M et, d’un caleçon de couleur noire ; le corps se trouvait à une soixantaine de mètres de l’un des chemins latéraux bordant un terrain supportant un bâtiment géré par la société de téléphonie SFR à l’extrémité de la D10 au nord de Petite-Terre
Ces indices (vêtements retrouvés sur la personne, localisation du corps et premiers éléments médico-légaux) permettaient d’envisager un rapprochement de cette découverte avec la disparition du dénommé Houmadi Abdou, enlevé, séquestré violenté et disparu depuis le 21 mai 2020. Le 23 juin 2020, des membres de la famille d’Houmadi Abdou ayant appris par les médias la découverte d’un cadavre aux Badamiers se présentaient spontanément auprès des enquêteurs munis d’une photographie de leur proche sur laquelle ce dernier portait, selon eux, le même pantalon que le jour de sa disparition. Sur cette photographie Houmadi Abdou était porteur d’un pantalon de survêtement de couleur bleue de marque Adidas.
Un examen radiologique du corps appelé « Bodysacan » a été réalisé le 6 juillet 2020. Compte tenu de l’état du corps, un prélèvement ADN sur ce dernier n’était possible que dans le cadre d’opérations d’autopsie. En raison des restrictions des laissons aériennes au départ et à destination de Mayotte du fait de la crise du Covid-19, l’autopsie de ce corps n’a pu être réalisée que le 7 juillet 2020 par un médecin légiste de l’Institut médico-légal du CHU de Saint-Denis-de-la-Réunion. Elle a permis notamment de prélever des ossements aux fins de recherches d’ADN.
L’Institut de génétique Nantes atlantique (IGNA), de renommée mondiale et spécialisé en génétique criminelle, était saisi en urgence dès le 8 juillet 2020 aux fins de recherche et d’identification d’un profil ADN. En dépit du délai incompressible d’acheminement des échantillons, le 17 juillet 2020 le parquet de Mamoudzou était destinataire des résultats des analyses et comparaisons effectuées. Ces résultats concluent que le corps retrouvé aux Badamier est celui de Houmadi ABDOU, alias Ely, né le 1er janvier 1997 à Anjouan (Comores).
Les faits requalifiés en crime aggravé
En conséquence de cette identification, un réquisitoire supplétif a été pris ce lundi par le parquet de Mamoudzou aux fins d’extension de la saisine du juge d’instruction en charge du dossier d’enlèvement, au visa d’une qualification criminelle aggravée.