Délinquance : « Des bleus dans la rue »… un postulat toujours d’actualité

En 2017, comme un indicateur des grandes manifestations sur l’insécurité qui allaient déclencher l’année suivante, le procureur Joël Garrigue avaient appelé au renforcement des forces de police et de gendarmerie à Mayotte. Le député Kamardine monte le ton ce jeudi dans le Figaro.

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Manque de visibilité des forces de l'ordre

Deux ans seulement après les grandes manifestations contre l’insécurité, une partie du territoire est à nouveau touchée par ce fléau. Des bandes de jeunes ont caillassé les automobilistes trois jours durant la semaine dernière du côté de Majicavo Koropa.

En janvier 2017, le procureur de Mayotte Joël Garrigue, avait lâché au cours d’une réunion Sécurité à destination des journalistes : « Pour protéger les gens, il faut mettre des bleus dans la rue ». Se justifiant, « dans les zones où les forces de l’ordre ont assuré une présence renforcée, on a assisté à un tassement de la délinquance ces derniers mois. »

Cette réponse est doublement cruciale avait sans doute analysé le procureur. Car en laissant le champ libre aux bandes de jeunes, on prend le risque que des habitants excédés soient tentés de se faire justice eux-mêmes. A minima, d’organiser des gilets jaunes plus ou moins pacifiques mais efficaces, ou au pire, des milices comme nous en avons vu cette année aux Badamiers, avec le risque que cela se conclut par la mort d’un homme. Et une condamnation en préventive contre un des auteurs des faits, qui met le procureur au banc des accusés par les collectifs.

2018, mini-électrochoc

insécurité, Mayotte
Banderoles contre l’insécurité en octobre 2017

Si la population est contrainte de se faire justice, c’est qu’un des maillons est déficient. Un jeune métropolitain venu en stage à Mayotte nous avait confié il y a deux ans, « vu le contexte, je m’attendais à voir des policiers et des gendarmes patrouiller », mais au bout de 48h, il n’en avait pas vu un seul.

Depuis, 2018 a servi de mini-électrochoc, avec des moyens qui ont été accrus, à entendre l’ex-ministre des Outre-mer qui avait annoncé le maintien sur place d’un escadron de gendarmes (75 militaires) supplémentaire.

Policiers et gendarmes sont 1.150 sur le territoire, selon la préfecture qui nous transmet ce chiffre aggloméré ce jeudi en annonçant une prochaine communication de Jean-François Colombet sur le sujet Du côté de la police, on nous livre le chiffre de 650 effectifs, dont la moitié affectée à la protection des frontières (310 PAF) et l’autre, à la Sécurité publique. Des renforts sont annoncés : 32 pour la police aux frontières et 25 pour la sécurité publique. Comparés au déploiement de force de l’ordre sur Bordeaux et sa périphérie (1.432 policiers pour 550.000 habitants en 2008) les chiffres peuvent sembler corrects.

« Nous sommes assis sur une fournaise »

Jean-Yves Le Drian, Mayotte, Comores
Le député Mansour Kamardine s’exprime de nouveau sur ce sujet dans le Figaro

A trois nuances prés. A Mayotte les chiffres sont donnés en intégrant les adjoints de sécurité (ADS), pas à Bordeaux. D’autre part, le recensement INSEE qui monte à 300.000 habitants en 2020 l’actualisation de 2017, reste contesté. Et surtout, la cité girondine du vin est composée d’une population vieillissante, quand Mayotte compte la moitié de sa population de moins de 17,5 ans.

Il est donc urgent de revoir à la hausse les effectifs de sécurisation du territoire et de les rendre pérenne. Il s’agit aussi d’organiser leurs déploiements dans une toute autre logique qu’en métropole, notamment en envoyant les équipes sur les zones où ces jeunes se réfugient, dans les quartiers en hauteur ou sur une des plages de Koungou où les bandes se réunissent pour dresser les chiens.

Utilisant les médias nationaux comme uppercut, le député Mansour Kamardine, qui avait déjà craint dans les colonnes du quotidien une « guerre civile » entre anjouanais et mahorais, réclame dans le Figaro ce jeudi cinq cents policiers et gendarmes supplémentaires, avertissant, « nous sommes assis sur une fournaise », celle de centaines de jeunes désœuvrés, arrivés récemment ou de longue date sur le territoire, et qui viennent grossir les rangs de la délinquance.

Car si l’objectif est d’occuper ces jeunes, les associations ou comités de vigilance, à qui nous avons donné la parole sur Majicavo, ne peuvent travailler correctement que le calme revenu.

Anne Perzo-Lafond

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