Comme une parenthèse magique entre 2018, année de grèves, et 2020, année de Covid, 2019 est une année record concernant le tourisme à Mayotte. 65 000 touristes ont visité notre île, c’est 4000 de plus qu’en 2017, et 10 000 de plus qu’en 2016 !
« On avait perdu 9% et on a repris 16%, on établit donc un record » constate Jamel Mekkaoui, directeur de l’Institut national des études et statistiques économiques (Insee) qui cosigne l’étude avec le comité départemental du tourisme.
Le directeur de ce dernier, Michel Madi, en tire plusieurs enseignements. D’abord, avec 65 000 touristes et 44 millions d’euros de recettes, « ça nous permet de dire qu’on a une base solide de travail avec cette clientèle puisqu’on voit qu’il y a une forte fidélisation, plus de 50% des non natifs de Mayotte y étaient déjà venus, c’est une bonne base pour aller plus loin et avoir du courage sur les perspectives de développement ».
Et non seulement le tourisme peut être développé, mais il peut participer au développement de Mayotte. Les dépenses record enregistrées en 2019 permettent « de voir qu’il y a des perspectives et que l’activité touristique à Mayotte peut être une planche de salut en matière de développement ».
Pour les pistes de travail, il faut regarder les chiffres dans le détail.
Toujours beaucoup de touristes affinitaires
Premier constat, le tourisme à Mayotte reste largement porté par le tourisme affinitaire : les visiteurs se rendant chez des proches pèsent pour près des trois quarts du tourisme total. Ils dépensent donc peu dans les hôtels et chambres d’hôte. Seuls 17% des touristes payent pour leur logement, et ce sont essentiellement des touristes d’affaires, gendarmes et personnels de santé en tête.
Avec la hausse du tourisme affinitaire, « si la demande est de plus en plus forte, c’est corrélé avec le fait que de plus en plus de natifs de Mayotte résident en métropole ou à la réunion » complète Jamel Mekkaoui. Autrement dit, les Mahorais qui quittent Mayotte deviennent autant de touristes précieux lors de leurs retours réguliers.
Mais alors que les visiteurs affinitaires sont de plus en plus nombreux, « il convient aussi d’approcher autrement ces visiteurs et de voir les affinitaires comme des touristes, car ils jouent un rôle d’ambassadeurs pour Mayotte, ils peuvent en parler autour d’eux, mais ce sont surtout des touristes consommateurs .Ils génèrent en 2019 26 millions d’euros contre 6 millions pour les touristes d’agrément. A nous, acteurs touristiques, de trouver le moyen de les faire consommer davantage, de leur offrir des produits qui feront qu’ils vont consommer encore plus » analyse Michel Madi.
L’aérien et l’offre de service restent à développer
Deuxième constat, le tourisme est corrélé à l’offre de transport aérien.
« On voit que derrière ça il y a la question du désenclavement du territoire de Mayotte », rebondit Jamel Mekkaoui. « On a eu plus de lignes de dessertes vers la métropole et la réunion, et on voit mécaniquement que le tourisme est impacté par l’accès au territoire.
On l’avait déjà vu avec l’arrivée de la ligne directe et là ça demeure vrai en 2019 qui est une année sans problème particulier. »
Quand l’aérien va, tout va, pourrait chanter Obélix. C’est en substance le message de Michel Madi qui corrobore l’analyse de Jamel Mekkaoui.
Il y a selon lui un « lien évident à faire entre tourisme et aérien. On a vu en 2019 que sur les trois derniers mois, quand l’unique compagnie se porte bien, on voit un bon de 49% de la fréquentation, contre une baisse de 5% quand il y a des problèmes techniques ».
Mais le développement de l’aérien et du tourisme en général souffrent d’un point noir, soulevé par la plupart des 15 000 sondés à l’aéroport de Pamandzi : « le rapport qualité prix, très largement considéré comme décevant. C’est aussi quelque chose qui se confirme au fil du temps » poursuit Jamel Mekkaoui. Ainsi, si 95% des touristes se disent ravis de leur séjour à Mayotte, et 93% pensent revenir un jour, presque tous estiment la destination trop chère.
« Nous savons que l’offre doit évoluer », commente Michel Madi, « que ce soit en termes d’aérien, d’hébergement ou d’activités. La naissance toute récente des offices de tourisme intercommunaux vient dans cette dynamique. Le travail va continuer ».
Autre bon point en 2019, le tourisme d’agrément, ceux qui viennent sans avoir de proches à Mayotte, bondit de 10%.
« En 2019 l’agrément est en hausse de 10%, c’est à mettre en perspective avec le mouvement des Gilets jaunes en métropole et à La Réunion. On a fait une très bonne année en matière de promotion, à faire tous les salons » note Michel Madi.
Un courrier à tous les responsables politiques
Mais tous ces efforts pourraient se voir ruinés par une autre difficulté : le développement de la délinquance et de la criminalité dans le département. Si les caillassages à répétition écornent l’image d’une destination qui n’a déjà pas besoin de ça, les récentes agressions sur des sites touristiques envoient un message désastreux à l’international.
« Les acteurs du tourisme que nous sommes sont très inquiets », explique Michel Madi. » Avec les offices de tourisme et le GemTour, nous avons préparé une motion destinée au président de la république à la préfecture, aux parlementaires et aux élus locaux pour les sensibiliser aux questions liées à l’insécurité, situation que le monde touristique subit depuis de longues années, mais on a franchi un cap puisque ces agressions ont lieu au sein même de structures touristiques. Les images du Jardin Maoré risquent d’anéantir les efforts de promotion qui sont faits. La situation est grave parce que ces images ont été relayées partout dans le monde. »
Y.D.